Le canton au fil des pages (4/4)À chaque époque son Davel
Dans un livre richement illustré, Antonin Scherrer retrace la postérité du héros vaudois sous l’angle des arts. En prélude au tricentenaire de sa mort en 2023 et à la création d’un opéra.

Mort décapité en 1723, quasi canonisé après sa réhabilitation un bon siècle plus tard, Jean Daniel Abraham Davel a cristallisé sur sa personne et son destin une très abondante production culturelle qui s’étend sur près de deux siècles. En complément au long processus, aujourd’hui abouti, de recherche historique qui a permis de reconstituer la vie du major et de sa révolte avortée contre les Bernois, il manquait une histoire de la construction artistique et littéraire du mythe de Davel dans l’identité vaudoise.
«Le major Davel est un miroir de notre rapport à l’histoire. On a l’impression qu’il faut sans cesse le réhabiliter.»
Un «Christ vaudois»
Sur l’impulsion de l’Opéra de Lausanne qui a commandé un nouvel ouvrage lyrique sur le sujet à Christian Favre (musique), René Zahnd (livret) et Gianni Schneider (mise en scène), Antonin Scherrer a enquêté sur cette source apparemment inépuisable d’inspiration, montrant comment la mémoire du major a été entretenue, comment chaque époque se l’est approprié. «Toutes les créations théâtrales, littéraires, musicales, picturales ou pédagogiques sur le major Davel révèlent très fortement le moment où elles sont apparues, constate l’historien. On a l’impression qu’il faut sans cesse réhabiliter au goût du jour ce «Christ vaudois». Il est un miroir de notre rapport à l’histoire, d’abord très patriotique et lié à l’Église, puis comme figure de défenseur de la liberté.» Antonin Scherrer rappelle le rôle décisif de l’écrivain Juste Olivier, qui, le premier en 1842, a réalisé un vrai travail d’historien sur les sources bernoises du procès. Son ouvrage lance un mouvement de vénération dans le canton de Vaud, qui se traduit étonnamment par un premier spectacle théâtral et amateur à Corcelles-près-Payerne en 1845.
«C’est le début d’un pan théâtral et musical que j’ai vraiment découvert», note le chercheur, lequel consacre un gros chapitre de son livre aux festivités du bicentenaire 1923, «le point culminant de l’effervescence du canton autour du major», et en particulier à la création du «Davel» de Gustave Doret et René Morax au Théâtre du Jorat, avec la présence du Conseil fédéral in corpore! Succès énorme mais sans lendemain. Un siècle après, la genèse du «Davel» de Favre et Zahnd montre le potentiel d’actualité du supplicié de Vidy.
Antonin Scherrer, «Davel. Des brumes de l’oubli aux feux de l’opéra»
Favre, 256 p., 44 fr.
En vente sur le site de 24 heures: Prix abonnés: 36 fr. 50.
Correction du 4.01.2021: Contrairement à ce que nous indiquions dans une version précédente de cet article, 2023 sera l’année du tricentenaire de la mort du major Davel.

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.