Après une semaine de conflitÀ Genève, des Arméniens révoltés face aux menaces turques
Un siècle après le génocide, c’est la «survie de l’Arménie» qui est en jeu, assurait dimanche l’assistance réunie à l’église Saint Hagop pour honorer ses combattants tombés lors de combats acharnés.

Une colère coupante comme la pluie d’automne souffle sur le parvis de l’église arménienne de Genève (Troinex), alors que monte un chant pour les soldats tombés sur le front de la région du Haut-Karabakh.
L’Arménie, ce pays «pauvre» de 3 millions d’habitants, qui «se débat avec les difficultés des anciennes républiques soviétiques» mais qui a pourtant «réussi sa transition vers la démocratie», «livre le combat pour sa survie», résume Thénie en sortant de la nef.
Djihadistes déployés
Quelques heures plus tôt, l’intensité du conflit était montée d’un cran aux portes de cette province peuplée d’Arméniens. De la taille de la Haute-Savoie, elle a autoproclamé son indépendance après trois ans de guerre farouche contre le pouvoir de Bakou, à la chute de l’URSS. Sa principale ville a fait l’objet de frappes massives, ce dimanche. En représailles, des missiles ont été tirés contre la base militaire de la seconde ville d’Azerbaïdjan.
«La Turquie se tiendra aux côtés de l’Azerbaïdjan, par tous les moyens»
En milieu de semaine, des drones d’attaque avaient menacé la capitale arménienne, tandis que le président Erdogan promettait que «la Turquie se tiendra aux côtés du pays frère et ami qu’est l’Azerbaïdjan, par tous les moyens». «Le fait que la Turquie s’en mêle ouvertement a réveillé la rage au fond de chaque Arménien, un siècle après le génocide de 1915», décrit Alexis, Genevois descendant d’une famille réfugiée en Europe après les massacres.

Depuis une semaine, la réponse à une offensive, qui mêle artillerie lourde – avec usage de bombes à fragmentation – drones par dizaines et avions de chasse laissent sur le terrain des dizaines de tués de part et d’autre. Le président français Macron a confirmé mercredi le déploiement de «combattants syriens de groupes djihadistes» passés par la Turquie.

Parmi l’assistance, nombreux sont ceux qui suivent, en temps réel, les images du front via la messagerie Telegram. «Chez mes parents à Gumri, tout le monde filme ce matin la mise en alerte de l’importante garnison russe de la ville, alors que les troupes turques sont à la frontière, à quelques kilomètres», témoigne un jeune cadre genevois. «Cela ne s’était jamais vu depuis les combats ayant suivi le génocide», poursuit celui dont le grand-père a été le seul survivant d’une famille installée dans la ville historique de Kars.
Socar pointée du doigt
Arrivé de Berne où une manifestation a réuni 400 personnes devant le Palais fédéral, samedi, Sarkis Shahinian, l’un des plus fervents défenseurs de la cause arménienne, veut croire que «le maintien d’une position équidistante de la Suisse – qui a longtemps œuvré à une résolution de la question du Karabakh – n’est plus de mise avec l’entrée en scène de la Turquie».
Ce dernier rappelle qu’en 1897, dans une Suisse qui comptait 3 millions de citoyens, une pétition demandant au Conseil fédéral d’intervenir pour faire cesser les premiers massacres d’Arméniens dans l’Empire ottoman avait recueilli plus de 450’000 signatures, record encore inégalé.
«La Suisse aura un rôle central à jouer en bloquant les fonds de Socar»
En cas de mise en place de sanctions européennes contre l’Azerbaïdjian, «la Suisse aura un rôle central à jouer, en bloquant les fonds du clan Aliev (ndlr: qui dirige le pays depuis la chute de l’URSS) ou ceux du siège international de la Socar à Genève – le bras pétrolier du pays qui finance cette guerre», ajoute le secrétaire général du Groupe parlementaire pour l’amitié Suisse-Arménie.
Les voisins répondent présent
Alors que la colère cède le pas à un sentiment d’impuissance, certains se mobilisent dans l’urgence, à l’image d’Hasmik dont le cousin réserviste, un agriculteur de Gumri, est au front. «Après son message d’adieu, j’ai passé tout le mercredi à pleurer», confie-t-elle. Travaillant à Genève depuis vingt ans et résidant dans la campagne savoyarde, elle décide alors de tenter une collecte sur le groupe WhatsApp créé dans le voisinage afin de s’entraider en ces temps de coronavirus.
«Le soir, un tas de colis bloquait mon entrée»
«Personne n’était au courant de la guerre et pourtant… le lendemain soir, un tas de paquets bloquaient notre entrée», poursuit cette dernière. Rapidement elle reçoit le soutien de pharmaciens à Viry et Saint-Julien. Samedi, elle a pu décharger sa voiture remplie de matériel médical et de biens de première nécessité dans un des centres de Lyon à destination de l’avion qui décollera jeudi de Marseille. À Genève, une collecte et un appel de fonds ont également été organisés.

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