Critique de spectacleÀ Monthey, Antigone sombre dans le potache
Lorenzo Malaguerra reprend la tragédie de Sophocle sur l’esplanade du Théâtre du Crochetan. La fête est belle, mais le propos est maigre.

L’intention était belle. Ambitieuse. Jouer «Antigone» sur l’esplanade du Théâtre du Crochetan, au cœur de la ville de Monthey, pour resserrer des liens distendus par deux ans de pandémie. Délester la tragédie de Sophocle du poids des siècles pour en livrer une version plus proche de nous.
Car, aujourd’hui encore, Antigone nous parle. Elle qui, seule face à la cité, donne une sépulture à son frère Polynice, bravant l’interdiction de son oncle Créon, roi de Thèbes. Lorenzo Malaguerra a trouvé dans le mythe la matière d’un spectacle qu’il a voulu populaire, incarné en partie par des amatrices et amateurs de la région. La pièce, créée en septembre dernier, revit jusqu’au 3 juillet.
Sous le ciel montheysan, la fête était belle mardi soir. Surgies de nulle part, voici Antigone et Ismène, deux sœurs déchirées entre la soumission aux lois et les honneurs dus aux défunts. Les mots de Sophocle s’envolent dans les airs mais, hélas, le tragique languit. Sans doute parce que la fable pâtit d’une lecture trop superficielle.
À trop vouloir actualiser l’histoire des Labdacides, Lorenzo Malaguerra s’enlise dans un propos dénué de nuances, souvent potache sans que perce l’ironie.
Parée d’un manteau rouge sang orné d’une parure de plumes, Noémie Schmidt compose une Antigone qui tient davantage de la jeune fille insolente que de l’héroïne tragique. Même au crépuscule de sa vie, à l’heure de descendre chez Hadès, elle ne brûle pas du feu sacré qui habite les damnés. Debout, altière, sur le toit de la caravane décatie – symbole de la ville maudite –, Antigone clame son ultime monologue. L’image est sublime mais, très vite, l’émotion se tarit.

Face à elle, Philippe Soltermann façonne un Créon putride, éructant son fiel avant d’être finalement rattrapé par sa conscience. Chez les Grecs, l’hybris, l’orgueil outrancier, est source de malheur. Le comédien est impeccable dans son rôle, mais il tire trop la ficelle gaguesque. Le public rit. Seulement, le personnage ainsi dessiné perd en profondeur. Effacés, les autres protagonistes peinent à convaincre et les parties chorales s’essoufflent. Le chœur, pourtant, est la matrice de la tragédie grecque…

Le coryphée, en revanche, saisit par son exubérance tragique. Manteau de fourrure, chapeau noir et micro tenu à la manière de Freddie Mercury, Vincent Rime a des allures de rock star. «Come on, Dionysos!» L’artiste scande sa partition avec une verve qui prend aux tripes. Le verbe heurte, enfin.
Monthey, Théâtre du Crochetan (esplanade)
Jusqu’au 3 juil.
www.crochetan.ch
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