Patrimoine agricoleÀ Moudon, les fermiers rêvent de propriété
En mains communales depuis 1721, le domaine de Chalabruz pourrait être vendu pour 1,7 million à ses exploitants de longue date. Réponse au Conseil communal mardi soir.

L’histoire est en marche. Mardi, les élus moudonnois se prononceront sur la vente pour 1,72 million de francs d’un de ses plus anciens bijoux de famille. Le domaine agricole de Chalabruz est en mains communales depuis 1721, comme le rappellent les volets rouges et verts du bâtiment principal et les armoiries du bourg broyard sculptées au-dessus du linteau de la porte d’entrée. Une première qui pourrait avoir des suites, puisque pour des motifs financiers, les autorités locales se sont déclarées favorables à la cession des six fermes – Chalabruz comprise – qu’elles louent depuis des siècles à des familles paysannes.
Clin d’œil de l’histoire, l’acheteuse est déjà une pionnière à l’échelle communale. En 2006, Magadis Richardet était en effet devenue la première femme à présider le Conseil communal, avant d’entrer à l’Exécutif. Mardi soir, ni elle ni ses enfants et beaux-enfants n’assisteront à la séance. «Je n’ai pas envie que les gens soient influencés par ma présence», glisse Vincent, le cadet qui travaille sur le domaine. Si le vote leur est favorable, la famille aura évidemment une pensée émue pour Michel, le père et mari décédé en 2018: «On souhaite aussi faire l’acquisition de ce domaine, dont nous sommes fermiers depuis le 1er novembre 1986, pour sa mémoire. Nous sommes partis de rien il y a plus de trente ans et nous avons l’opportunité de devenir propriétaire. Il y a une quinzaine d’années, Michel avait d’ailleurs déjà écrit à la Commune pour lui faire part de notre intérêt.» Après un temps, la cheffe d’exploitation reprend: «En somme, c’est l’histoire d’une vie.»
Car ils s’y sont investis, Michel et Magadis Richardet, dans ce domaine qui tombait en désuétude quand, jeunes mariés venus de Pailly et Chevressy, ils en ont repris le fermage. Bricoleur en diable, amoureux de son métier et de ce petit coin de paradis, il a patiemment retapé et agrandi cette exploitation qui domine Moudon et la Mérine, à l’écart des grands axes. La formule était assez simple: la Commune finançait et Michel réalisait. «Il faut reconnaître qu’on a été gâté par la Commune, qui nous a donné l’opportunité de développer notre activité en nous laissant travailler à 100% en indépendant», reprend-elle.
«Mon mari voulait acheter, on a travaillé dur pour ça. Je serais heureuse d’y parvenir»
Les paysans n’ont pas non plus oublié de diversifier l’activité agricole de ce domaine d’une surface totale de 280’000 m2, dont 255’000 m² en nature de pré-champ. Exemple le plus parlant? Sans doute la création de l’immense poulailler qui précède le corps de ferme quand on y arrive depuis Martherenges. Les Richardet ont débuté en 1990 avec 500 pondeuses; ils en comptent 6000 aujourd’hui. Elles sont abritées par un bâtiment construit en 2008 sur lequel brillent 1300 m² de panneaux solaires.
C’est du reste cette activité-là qui a remis au-dessus de la pile l’idée d’un rachat. Ou plutôt d’une vente puisque cette fois-ci, la proposition est venue des autorités municipales. «En 2017, mon mari a eu envie de construire un deuxième poulailler, de l’autre côté de la maison, qui hébergerait d’autres pondeuses et une poussinière.» Préavis cantonal favorable en poche, il s’est approché de la Commune pour obtenir un droit de superficie. Réponse à la demande: non, mais par contre on veut bien vendre.
Avec l’aval du Conseil, Chalabruz passera pour la première fois de sa longue histoire en mains privées. Des mains qui changeront dans quatre ans, quand Magadis Richardet prendra une retraite bien méritée et transmettra l’exploitation à Vincent. «Mon mari avait toujours voulu acheter, on a travaillé dur pour ça. Je serai heureuse d’y parvenir et de pouvoir transmettre ces biens à la génération suivante.»
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