Critique de spectacleÀ Vidy, Emilie Charriot sonde la «Vocation»
Le Théâtre au bord de l’eau a rouvert ses portes avec une pièce intime, aussi piquante que touchante.

C’est un spectacle doux comme une caresse. À Vidy, Émilie Charriot dévoile «Vocation», pièce pour deux voix, deux corps. Un échange tendre, complice, entre un comédien chevronné et une jeune fille de 15 ans passionnée de théâtre, autour de cette notion trouble, auréolée de mystère. Car au fond, c’est quoi, une vocation? Qu’est-ce qui nous mène à prendre tel chemin, quelles sont nos quêtes personnelles? Éprise de textes (Despentes, Tchekhov, Ernaux ou Handke), la Lausannoise se frotte pour la première fois à l’écriture de plateau. Et c’est beau, intime, drôle, touchant.
«J’aime pas le regard des autres. C’est bête, je fais du théâtre…»
Sur la scène dépouillée de tout artifice, voici Pierre Mifsud, 58 ans, as dans l’art de tresser le rire et l’émotion. Sa vie, ce sont les planches. Mais l’idée même de vocation dépasse le monde professionnel, elle touche à l’amour, aux engagements, aux désirs enfouis et aux déterminismes sociaux. Alors, Pierre Mifsud imagine des vies parallèles, dresse l’inventaire des «J’aurais pu faire». Cultiver des fleurs, mener la révolution, conduire une péniche… et finalement: «J’aurais pu faire du théâtre. Alors j’ai fait du théâtre.»
Jeanne d’Arc et Confucius
À son tour, Nora Kramer (qui partageait la scène avec Émilie Charriot dans «Passion simple»), 15 ans, prend possession du plateau. Elle exhale la fraîcheur d’un âge où tout semble possible. Solaire, la jeune comédienne amatrice parle de mort, de réincarnation, de ses envies et de ses paradoxes: «J’aime pas le regard des autres. C’est bête, je fais du théâtre…»
Dans cette partition sensible, le geste s’allie à la parole, le mouvement accompagne les mots – ou les remplace quand ils ne sont plus nécessaires. Dans leurs récits sertis de facéties, le tandem entrelace vie personnelle et fiction, convoque les fantômes de Jeanne d’Arc et de Confucius. Complices, volontiers taquins, Pierre Mifsud et Nora Kramer tentent de se comprendre même si quarante ans les séparent. Car, dit le comédien, «la vraie vie est dans l’échange entre les êtres et les éléments, et entre les êtres eux-mêmes»
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