Conflit d’intérêtsÀ Vincy, Patrimoine suisse a négocié un accord inédit
La querelle qui a opposé la châtelaine et un propriétaire voulant isoler sa maison a trouvé une issue heureuse.

Deux ans après l’enquête publique, François Delafoge, propriétaire d’un rural déjà rénové à Vincy, peut enfin réaliser les travaux d’isolation de sa maison. Les opposants, Lady Elena Foster, châtelaine du hameau, et Patrimoine suisse, ont annulé leur recours suite à un accord entre les parties. Cet épilogue est le résultat d’une pesée d’intérêt entre les enjeux énergétiques et la protection du patrimoine bâti. Béatrice Lovis, présidente de Patrimoine suisse, section Vaud, déclare que c’est la première fois qu’elle parvient à négocier un tel accord avec l’aval des services cantonaux: «Il s’agit là d’un cas symptomatique d’une problématique plus générale.»
Dans un premier temps, suite à l’opposition de la châtelaine, et sur la base d’un préavis négatif de la Division monuments et sites (MS) de la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP), la Municipalité de Gilly avait refusé le permis à François Delafoge. En cause, une isolation périphérique en polystyrène, des modifications à la toiture et des volets en aluminium.
Le propriétaire s’était étonné qu’on l’empêche de réaliser des travaux visant des économies d’énergie, comme la loi le recommande, alors que le bâtiment en question n’est pas protégé (note 4) et qu’aucune de ses façades ne donne directement sur l’édifice classé. Les MS lui ont expliqué il s’agissait d’un objet «bien intégré», situé «aux abords» du château de Vincy qui, lui, est inscrit à l’inventaire dans la liste A de la protection des biens culturels. Le projet s’inscrit dans un périmètre ISOS, où de tels objets méritent également une attention particulière. Il est toutefois précisé que Vincy, regroupé avec Gilly, est désigné comme un village d’intérêt régional. Dès lors, sa protection est de compétence communale.

Autre bizarrerie, le rapport de la Camac (centrale des autorisations) ne comprenait pas de contre-expertise de la Direction générale de l’environnement (DGE). L’explication vient d’une erreur de procédure. Par ignorance, la Municipalité de Gilly avait omis de solliciter la Commission consultative pour la promotion et l’intégration de l’énergie solaire et l’efficacité énergétique (ComSol). Si bien que les autorités cantonales ont autorisé François Delafoge à recommencer la procédure de mise à l’enquête afin que la ComSol puisse aussi donner ses conclusions.
Le rapport qui change la donne
Et là, tout bascule. La ComSol relève que les mesures contenues dans le projet sont judicieuses et ne voit aucun motif d’ordre patrimonial empêchant l’assainissement énergétique prévu. «Au vu de la situation d’urgence climatique, ces critères devraient être prédominants et même déterminants lorsque l’objet immobilier ne détient pas de protection patrimoniale», conclut son rapport. Du coup, la Municipalité de Gilly revoit sa position et accorde le permis. «Nous n’avions plus aucune raison de nous opposer à ces travaux», déclare le syndic Denis Dumartheray.
«Si tous ceux qui veulent isoler leur maison doivent passer par là, ce n’est pas possible»
De son côté, la châtelaine n’est pas convaincue et renouvelle son opposition. Patrimoine suisse, section vaudoise, s’oppose aussi formellement à ces travaux. Sa présidente n’approuve pas le rapport de la ComSol, mais propose une médiation. Finalement, François Delafoge s’engage à isoler ses façades avec de la laine de pierre et un crépi à la chaux. La Division monuments et sites et la DGE donnent leur accord de principe, y compris au sujet de la pose de panneaux solaires. La châtelaine aussi. Les recours sont retirés.
Me Bovay précise que sa cliente, Lady Foster, s’est ralliée à la position de Patrimoine suisse: «Le projet a été modifié dans un sens raisonnable, même si on aurait pu aller plus loin.» Le propriétaire, François Delafoge, se réjouit d’arriver au bout de ces longues procédures. «On aurait pu faire moins compliqué. Si tous ceux qui veulent isoler leur maison doivent passer par là, ce n’est pas possible. Beaucoup auraient abandonné.» Il ne rechigne pas à payer plus cher pour une isolation plus naturelle. Mais les dépens de la cause qu’il doit encore régler à Patrimoine suisse et à Lady Foster lui restent en travers de la gorge. «C’est moi qui veux isoler ma maison et c’est à moi qu’on remet une part de la faute. Je ne suis pas d’accord mais je baste pour être enfin tranquille.»
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