Exposition collective à BuchillonAarlo u Viggo n’a pas peur du croquemitaine
La galerie plonge dans le noir pour voir de quoi il est fait et sort un accrochage d’une quinzaine d’artistes qui lui donnent vie.

Le temps a vraiment besoin de ça! De cette extraction des intranquillités de l’âme pour qu’elles viennent percuter au grand jour, une vision catégorique qui en a fini par oublier son sens critique. Où sont les banderilles qui triturent le vif du sujet? Où sont les saines provocations – ces Vanités modernes – qui rappelleraient aux humains, que le temps passe?
Allons donc voir du côté de l’art, de ces sensibilités qui y exorcisent leurs angoisses. Comme aux cimaises de la galerie Aarlo u Viggo à Buchillon, où un certain Boogieman (alter ego anglais du croquemitaine) agite ses frasques en titre d’une exposition collective qui tance… un peu. Et emballe… beaucoup.
Avec ce noir, teinte dominante, qui lui va si bien! Capable, en portant les traits de Sébastien Guénot, d’incarner le murmure des esprits de la forêt ou, dans ceux de Caroline Vitelli, de libérer des tiraillements intimes venant grimacer à la surface de la toile. Ce noir est aussi susceptible de creuser les aspérités ésotériques de la bande de crânes sculptés par Jean-Marie Reynier ou d’accompagner la frénésie créative d’un après-midi de Jacques Chessex, caressant d’un trait sans tabou, une féminité. Il y a aussi ces nids de Huber.Huber qui emprisonnent plus qu’ils ne protègent ou cette carcasse d’un pigeon décapité, sublimé par Moti, alors qu’il tombe du ciel en ange déchu ou qu’il y monte en esprit qui s’élève.

«Cette exposition, on y pense depuis les débuts de la galerie en 2019. On voulait du bizarre, du noir. Du sans concession.»
On n’a jamais dit que tout serait glauque! Bien au contraire. «Cette exposition, on y pense depuis les débuts de la galerie en 2019, appuie Camille Tellenbach-Montandon. On voulait du bizarre, du noir. Du sans concession.» «On voulait voir, reprend Jean-Marie Reynier, également cocommissaire, comment les artistes affrontent l’irrationnel, déjouent la peur ou se protègent du croquemitaine.» Et il faut les écouter l’un et l’autre, passer de longues et passionnelles minutes devant chaque œuvre.

Entre venin et charmes
Dans leurs mots, on entend avant tout le bonheur de la rencontre, de la découverte ou des retrouvailles avec les artistes. Nombre d’entre eux ne sont pas du cercle d’Aarlo u Viggo, certains n’ont même jamais exposé en galerie alors que d’autres ont déjà de belles habitudes muséales. Mais tous, dans cet ensemble qui fait corps avec l’imaginaire des profondeurs de la conscience, font autorité.

Monique Jung avec son bestiaire japonisant en apesanteur entre le rêve et le cauchemar, sa fille, Ondine, tranchant la bête dans un combat pour la grâce ou encore Kasia Jackowska et sa galerie de portraits d’une monstruosité farfelue. ça secoue, le fantastique balance son venin et ses charmes, on tremble devant certaines beautés fatales de Sandrine Pelletier ou Stéphane Zaech. Nul besoin donc d’être un musée pour puiser à la source thématique et amener du sens. à Neuchâtel, la galerie C donne l’exemple, à Buchillon, Aarlo u Viggo fait sa trace!
Buchillon, Galerie Aarlo u Viggo
Jusqu’au 12 février,
je, ven et premiers samedis du mois ou sur rdv
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