Le citoyen est surpris par l’ampleur prise par «l’affaire Dittli». Il s’interroge non seulement sur la réalité et la gravité des accusations portées contre la jeune conseillère d’État, mais aussi sur les raisons des attaques qu’elle subit. Il ne les imagine pas relever seulement du respect des grands principes que brandissent les petits Fouquier-Tinville, les Torquemada et les Saint-Just locaux tout émoustillés par la perspective de l’hallali. Il aimerait comprendre les pourquoi du déclenchement de «l’affaire», de l’ampleur qui lui est donnée et de son exploitation.
La mise au pilori de la «coupable» au nom d’une vertu trop ostensiblement proclamée pour être parfaitement crédible peut susciter chez lui un sentiment de malaise, de la compassion aussi, et le désir de savoir «à qui profite le crime».
«Médias et chercheurs doivent se distancier de la polémique et s’attacher à interpréter les faits.»
«L’affaire» contient tous les ingrédients d’un bon polar mais elle peut aussi fournir les éléments d’un cas pratique à traiter dans les cours de science politique, de sociologie, de communication ou de management. Pour en procurer la matière, il faudrait que chercheurs et médias se distancient de la polémique et du sensationnalisme et s’attachent à rassembler et à interpréter les faits, en les plaçant dans un contexte qui les explique.
Mise en contexte nécessaire
À cet effet, il serait indispensable qu’ils établissent et qualifient de façon objective les faits, leur nature, leur gravité. Qu’ils éclairent les particularités du contexte: celui du changement de majorité au Conseil d’État, de frustrations, de manifestations de la fonction publique contre une indexation des salaires jugée insuffisante, de l’inexpérience de la nouvelle élue…
Qu’ils identifient aussi les acteurs, leurs intérêts, leurs motifs et les opportunités que leur offre cette «affaire» et se penchent sur le rôle de la RTS dans son déclenchement. Pourquoi l’a-t-elle choisie? Qu’est-ce qui explique l’ampleur qu’elle lui a donnée? Comment l’a-t-elle orchestrée? L’a-t-elle traitée de manière équilibrée?
Qu’ils décortiquent la campagne anti-Dittli, en décrivant ses différentes phases, condensées sur une courte période et intégrées dans une stratégie globale très professionnelle: indignation (fiscale et morale), attaques ad personam (tricheuse, suisse alémanique, inexpérimentée), recours aux émotions (elle n’aime pas le canton), exploitation (appels à la démission et bal des postures vertueuses).
Qu’ils décryptent les langages utilisés, les analogies, les généralisations hâtives, les omissions et les approximations utilisées dans les argumentations développées. Qu’ils soumettent à la critique la ligne de défense des soutiens et des défenseurs de la conseillère d’État, sa pertinence, sa cohérence, sa sincérité, ses non-dits. Qu’ils analysent les réactions de l’opinion publique.
En résumé, le citoyen attend des réponses à ses questions: y a-t-il eu crime? Si oui, lequel ou lesquels? Quelles en sont la gravité et les conséquences? Qui en sont les auteurs et les complices? Et, finalement, à qui est-ce qu’ils profitent?
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L’invité – Affaire Dittli: à qui profite le crime?
Les attaques contre la conseillère d’État sont-elles motivées uniquement par l’indignation morale et fiscale? Pierre Aepli s’interroge.