«Anna Bolena» est le germe de l'opéra romantique italien»
Roberto Rizzi Brignoli dirige l'ouvrage qui a véritablement lancé le succès de Gaetano Donizetti. Le chef italien dirige à Lausanne la version originale de la création de 1830 à Milan.

Du jamais vu et du jamais entendu. À l'occasion d'une nouvelle production mise en scène par Stefano Mazzonis di Pralafera, «Anna Bolena» retentira pour la première fois à l'Opéra de Lausanne. Mieux encore, la version originale de l'opéra de Gaetano Donizetti, créée à Milan en 1830, n'a jamais été présentée en Suisse. Grand habitué du répertoire lyrique italien et fidèle invité de la scène lausannoise, Roberto Rizzi Brignoli dirigera lui aussi pour la première fois cette mouture authentique, accessible depuis peu grâce à une nouvelle édition critique de l'ouvrage par Paolo Fabbri. Rencontré dans sa loge juste avant une répétition avec l'OCL, le chef d'orchestre italien détaille les atouts de cette production.
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Donizetti s'impose sur la scène lyrique grâce à «Anna Bolena», au 29e ouvrage… Qu'est-ce qui a marqué le public de l'époque?
Le public était alors en quête de nouveautés. À peine un titre était-il joué qu'il en réclamait un autre. L'opéra était un produit commercial avec une forte concurrence entre théâtres qui s'arrachaient des vedettes, comme aujourd'hui les clubs de foot font des transferts de joueurs. On allait au spectacle écouter des voix plutôt que des histoires, et Donizetti n'a pas toujours eu de bons livrets à disposition. Mais pour «Anna Bolena», il a eu une distribution exceptionnelle et un livret extraordinaire de Felice Roman: le destin véritable et terrible de la reine d'Angleterre Anne Boleyn (1507-1536), épouse d'Henri VIII, qui la condamne à mort par amour pour sa rivale Jeanne Seymour. Donizetti a été stimulé par cette pièce historique énorme pour écrire, en un mois, une partition formidable.
Quelles sont les particularités de cette version de 1830 d'«Anna Bolena»?
Il faut d'abord préciser que les versions ultérieures, qui sont entrées au répertoire, sont aussi de la main de Donizetti. À l'époque, tout était réglé en fonction de la distribution. Pour la création, Donizetti disposait de deux superstars de l'époque, Giuditta Pasta pour le rôle-titre et Giovanni Battista Rubini pour le rôle de Percy, qui avaient des tessitures incroyables. Pour Rubini, Donizetti a notamment écrit deux airs très aigus. Mais pour les reprises suivantes, il n'a pas pu avoir Rubini – qui était trop cher: il gagnait dix fois plus que le compositeur! Il a dû alors baisser les tonalités pour les adapter à d'autres ténors. Nous pouvons présenter cette version à Lausanne grâce à la présence du ténor Edgardo Rocha qui peut chanter à cette «altitude» et avec cette virtuosité quasi instrumentale!
Est-ce que ce sont les seuls changements?
Il y a quelques petits détails, des différences d'orchestration, un hautbois qui remplace une flûte dans tel air, mais ce sont là des détails qui ne changent pas l'idée dramatique de l'œuvre. Comme toujours, ces variantes s'expliquent pour des raisons pratiques. L'opéra, c'est comme la cuisine, on prend les ingrédients qu'on a sous la main! Mais c'est malgré tout intéressant de le faire pour comprendre la signification de cet opéra créé en décembre 1830, alors qu'en mars 1831, dans le même théâtre milanais, sera créée «La Sonnambula», de Bellini. On assiste là à un tournant dans l'histoire de l'opéra italien.
1830, c'est l'apogée du romantisme, c'est «Hernani» d'Hugo, la «Symphonie fantastique» de Berlioz.
Oui, et c'est sur «Anna Bolena» qu'on sent que l'opéra se détache définitivement du style qui avait marqué la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe, et, à l'opéra, du règne de Rossini. Il y a encore des formes rigides dans les airs, mais ce qui frappe ici, ce sont les couleurs très sombres, particulièrement dans les récitatifs, entièrement écrits pour l'orchestre, avec des articulations mélodiques très proches du texte. Les récitatifs y sont encore plus beaux que les airs, et comme l'orchestre est encore très transparent, les solistes sont à nus. Cette recherche profonde des liens entre texte et musique deviendra peu après la marque de Verdi. Dans «Anna Bolena», il y a le germe qui commence à transformer l'opéra italien de l'intérieur.
«Anna Bolena» a connu peu de productions et peu d'enregistrements, si ce n'est par quelques rares divas comme Maria Callas. Peut-on l'offrir aujourd'hui dignement sur une scène comme Lausanne?
D'abord, j'aimerais dire qu'il y a eu une évolution des goûts et des voix depuis Callas en 1957. Et je peux vous assurer qu'on fait ici mieux que dans des maisons bien plus prestigieuses où j'ai travaillé. Ce n'est pas parce que je dirige que je le dis. Nous avons à Lausanne des conditions de travail, un cast de super jeunes solistes, une mise en scène magnifique, un excellent niveau musical de l'orchestre et du chœur. L'OCL apporte une propreté du son, une palette de couleurs et surtout une volonté de progresser qui est un vrai bonheur pour un chef. Ce sera une version authentique et d'aujourd'hui.
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