«Anna Bolena», la première reine anglaise de Donzetti
Le compositeur italien était fasciné par les soubresauts de la couronne britannique à la Renaissance. Son opéra est monté pour la première fois à Lausanne.

Cet article a paru une première fois dans le supplément Opéra de Lausanne du 28 septembre 2018.
Ce n'est qu'après le succès triomphal d'«Anna Bolena» (1830), le 30e opéra de Donizetti, que son maître – le compositeur allemand Johann Simon Mayr – s'adressa enfin à son ancien élève en lui donnant le titre de «Maestro»... Il s'agit de l'un des trois opéras que le compositeur consacre à l'histoire de la maison Tudor, dont il privilégie les personnages hauts en couleurs plutôt que l'exactitude des faits historiques. Anne Boleyn est donc la première des «trois reines» de Donizetti, suivie par «Maria Stuarda» (1835) et Elisabeth Ière dans «Roberto Devereux» (1837), qui témoignent de l'intérêt voire de l'obsession des compositeurs italiens de l'époque pour ce pan de l'histoire dominé par la «Reine Vierge» et les passions de son cœur.
Le personnage historique d'Anne Boleyn, mère d'Elisabeth et deuxième épouse du roi Henry VIII d'Angleterre, reste à ce jour un des plus fascinants et controversés, aussi bien pour les historiens que pour les nombreux écrivains, compositeurs et artistes qui s'y sont intéressés. Reine parmi les plus ambitieuses et influentes de l'histoire européenne, dont le nom est étroitement lié à la Réforme ecclésiastique en Angleterre, véritable femme de la Renaissance avec une forte vision politique et spirituelle, victime romantique de la volonté tyrannique d'Henry VIII, sorcière, enfin compositrice et musicienne...Il ne manque rien à ce destin fabuleux qui continue d'enflammer les imaginations, y compris une fin sublime et tragique telle que nous la fait revivre le compositeur.
Rappelons qu'Anne Boleyn fut la raison ou en tout cas le prétexte effectif utilisé par Henri VIII pour rompre avec le pouvoir de Rome et prendre une fois pour toutes le contrôle sur l'Eglise en Angleterre, afin de pouvoir épouser la femme de son cœur, celle dont il attendit un héritier mâle et dont il finira par se débarrasser pour en épouser une autre...C'est ce dernier aspect de l'histoire que Donizetti et son librettiste Felice Romani choisissent pour leur opéra – l'engouement d'Henri pour Jane Seymour, la dame d'honneur de la reine, et le procès fomenté contre celle-ci qui mène à son exécution. Le livret mêle différents faits et personnages historiques pour tisser un drame saisissant, qui souligne la grandeur humaine et humaniste d'une femme insolite qui règne sur les cœurs. Condamnée par le perfide Henri, Anne pardonne à sa rivale et affronte ses dernières heures en revivant les images du bonheur passé, dans une scène de folie digne de rivaliser avec celle de «La Sonnanbula» de Bellini, interprétée sur la scène lausannoise par Olga Peretyatko au cours de la saison précédente, ou encore avec celle de «Lucia di Lammermoor», autre chef-d'œuvre de Donizetti composé quelques années après «Anna Bolena». Sa prière et son imprécation finale restent parmi les lignes les plus poignantes et difficiles écrites pour la voix de soprano, immortalisées dans l'interprétation de Maria Callas et ornées d'un air anglais – «Home, Sweet Home» – extrêmement populaire à l'époque.
Passions intenses, mort et trahison marquent aussi le destin de la fille d'Anne Boleyn – Elisabeth I. Sa figure extraordinaire donne l'occasion à Donizetti d'écrire certaines de ses plus belles pages dans «Maria Stuarda» – cousine d'Elisabeth Ière et sa rivale pour la couronne, exécutée sur ordre de la souveraine – et dans «Roberto Devereux» – diplomate, rebelle, poète et présumé amant d'Elisabeth, qu'elle gracie seulement trop tard après l'avoir condamné à mort. Commencé avec «Anna Bolena», le cycle des trois reines, qui n'est pas sans évoquer les six épouses du roi Henry VIII, est ainsi achevé…
Lausanne, Opéra Du 3 au 13 février 031 315 40 20 www.opera-lausanne.ch
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