Il pleut sur l'ordinateur imprudemment laissé dehors, il ne cesse de pleuvoir. D'ailleurs, il pleuvra toujours! L'image filmée en plan fixe par Anne-Julie Raccoursier tourne en boucle, comme un cycle infernal qui renvoie à l'impuissance, comme la signification de l'impossibilité d'aller à l'instant d'après. L'invitation, aussi, à marquer une pause. À se créer d'autres images. Dans une prégnante cohérence, l'ensemble des situations arrêtées par la plasticienne vaudoise à la Ferme-Asile de Sion battent cette même mesure du temps suspendu. Ce désert qui s'est approprié la pelouse d'un stade, dont l'architecture avait sans doute été célébrée un jour. Ces uniformes portant encore l'empreinte de ceux qui les ont revêtus et qui valsent, anonymes, sur la chaîne d'un pressing. Il y a aussi ce «Workflow, Happy Hour» claustrant les pendulaires à la sortie du métro londonien sans les laisser poursuivre leur chemin. L'heure est-elle vraiment heureuse? La banalité des récits ajoute au trouble! Mais c'est surtout dans leur ensemble que les huit vidéos construisent le propos de la plasticienne qui multiplie les expositions entre la Suisse, l'Allemagne et la France. Parlant des liens distendus entre passé et présent, évoquant des nouvelles technologies, artillerie lourde de l'avenir et soulignant encore la précarité de notre présence au monde, Anne-Julie Raccoursier sonne l'alerte. Son art envoie buter devant ce temps qui n'avance pas et fait tomber les apparences. Reste à se rendre à l'évidence de l'infernale mécanisation de l'existence ou alors… réagir! Un indice fait de néon s'illumine au mur, l'expression «Remote Viewer» clignote et rappelle la nécessaire clairvoyance. L'autre réponse est plus abstraite, diffusée par ce silence qui aurait pu, insidieux, donner l'assaut final. Au contraire, il permet de passer le rideau du temps et apaise.

Sion, Ferme Asile Jusqu'au 16 déc., du me au diwww.ferme-asile.ch