Après «Le milieu de l'horizon», Roland Buti scrute le mitan de la vie
Dans «Grand national», le Lausannois ausculte une crise de la quarantaine avec tendresse et humour.

Roland Buti aime se pencher sur ces moments de vie où tout bascule. Son roman «Le milieu de l'horizon» narrait, dans une campagne de l'été 1976 harassée de chaleur, les chamboulements intimes de Gus, 13 ans, en proie à ses premiers émois tandis que sa famille se décompose lentement. Alors que le film tiré du livre passe sur les écrans romands, le Lausannois décortique une autre période charnière dans son nouveau roman: après les bouleversements de l'adolescence, les embûches du milieu de vie.
Dans «Grand National», c'est l'univers de Carlo Weiss, jardinier paysagiste de 45 ans, qui se défait comme un tricot qui file. Sa femme Ana le quitte après le départ de la maison de leur fille. Sa mère s'enfuit de l'EMS, et il finit par la retrouver au Grand National, un palace de Glion sur le déclin qu'elle refuse de quitter. Tandis que Carlo tente de se défaire de l'empreinte du corps de sa femme, il découvre la grande passion qu'a vécue sa mère dans cet hôtel durant la Seconde Guerre mondiale.
Si l'on ajoute le passage à tabac de son employé Agon, avec qui il passe le plus clair de son temps, tout concourt à plonger le quadragénaire dans «un de ces moments de vie étranges dissociés du cours normal des choses.» L'étrangeté de cette cuisine qui semble avoir grandi depuis qu'il vit seul, de ce bar déprimant où il a pris l'habitude de déjeuner, ou de cette cabane de jardin devenue sa deuxième maison, qui finira par déménager par la voie des airs.
Pour écrire le manque de la femme aimée, l'amitié, les relations filiales ou le deuil, Roland Buti convoque les corps, les odeurs, la nature. D'une entaille au doigt de Carlo qui ne cicatrise pas au parfum du corps d'Ana qui rappelle celle de l'herbe sèche sous la pluie, l'auteur fait émerger avec délicatesse un monde de sensations.
Le séisme personnel que vit le narrateur s'inscrit aussi dans une histoire qui le dépasse. Celle de sa mère, qui a vécu ces années 40 où les palaces suisses étaient restés ouverts malgré la guerre, rivalisant d'inventivité pour échapper à la pénurie afin d'accueillir ceux qui avaient les moyens de «quitter l'enfer». Celle d'Agon aussi, revenu d'un autre enfer: la guerre des Balkans.
Roland Buti excelle à faire surgir et se croiser des bribes d'univers, dans un récit fin et évocateur qui évite le pathos, tandis que les pointes d'humour qui jalonnent le texte rappellent que la vie, même en mode mineur, prête parfois aussi à rire.
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