Ces chiffres donnent le tournis. Chaque année, les banques internationales repèrent et signalent des milliers de milliards de dollars potentiellement liés à la corruption, au crime organisé, à la fraude ou au pillage de fonds publics. C’est ce que révèle la fuite de données des «FinCEN Files», que nous avons pu exploiter avec nos partenaires internationaux. Même si toutes ces transactions ne sont pas criminelles, l’ampleur du problème de l’argent sale dans le système financier mondial reste préoccupante.
Depuis les années 90, la communauté internationale a mis sur pied un système éprouvé pour traquer les fonds douteux. Les banques signalent les transactions suspectes, qui sont transmises à un organisme central (en Suisse, le MROS) censé les analyser, puis transmettre les cas jugés sérieux à la justice. Dans le cas de la Suisse, ce dispositif de lutte contre le blanchiment est «exemplaire» et fonctionne «parfaitement bien», affirmaient il y a peu les parlementaires genevois Vincent Maitre (PDC) et Christian Lüscher (PLR).
Ce constat optimiste est faux. C’est ce que dit sans ambages Daniel Thelesklaf, l’ancien chef du MROS, dans notre interview exclusive. Selon lui, les sommes annoncées par les banques helvétiques (12,9 milliards de francs en 2018) submergent non seulement le MROS, mais aussi la justice, souvent dépassée par l’ampleur et la complexité des affaires de corruption internationales.
Pour lutter efficacement, il faut des lois permettant de saisir plus facilement les fortunes suspectes venues de l’étranger. Sans quoi, notre passivité contribuera à perpétuer un ordre mondial dysfonctionnel, où des élites corrompues cachent le produit de leurs rapines chez nous sans avoir grand-chose à redouter.
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Éditorial – Argent sale: notre système dysfonctionne
Loin d’être exemplaire, le dispositif suisse de lutte contre le blanchiment est à bout de souffle. Une réforme s’impose.