Une petite foule s’est trouvée samedi 21 janvier au Mormont pour enterrer symboliquement la Birette, ce site, tant aimé des Vaudois, que les zadistes avaient occupé pendant cinq mois, jusqu’au 30 mars 2021, et dont le Tribunal fédéral autorise maintenant la transformation en ciment. À brûle-pourpoint, il m’a été demandé de prendre la parole. Pris d’émotion, j’ai ânonné, j’ai bafouillé et j’ai dû me taire. Pour moi, c’était une première. Permettez que je reprenne et que je vous dise ce que j’aurais voulu dire.
De l’endroit où nous étions, sur le chemin du Mormont, un peu plus loin, un peu plus tôt, c’est là qu’était la ZAD. Un groupe de jeunes s’étaient unis dans la conviction que notre société faisait tout faux; ils voulaient faire juste. Pendant cinq mois, dans le soleil et dans la boue, ils ont réalisé leur rêve d’un milieu social généreux et bouillonnant.
«Le monde commence à bouger, mais le compte n’y est pas. Le bon rythme, ce n’est pas nous qui le dirons, c’est la nature.»
Je les ai vus danser dans la neige par un matin de grand froid. Je les ai entendus, autour d’un feu, inventer le monde qu’ils auraient aimé offrir au monde. Ils ont fait face au virus. Ils ont voulu protéger la Birette. Notre société n’était pas prête. Nos autorités ont fait donner la police. J’étais là aussi, c’était très triste. Est-ce fini, la ZAD?
Revenons en arrière. Il y a cinquante ans, les époux Meadows disaient avec raison que ça ne peut pas durer ainsi. Il y a dix ans, l’Association pour la sauvegarde du Mormont commençait sa lutte. Il y a quatre ans et demi, Greta Thunberg s’asseyait devant le parlement suédois. Il y a deux ans, la ZAD était sur la Birette.
Aujourd’hui, partout, tout bouge. On dirait une explosion. Autrefois, quand on se rencontrait, on parlait du temps; aujourd’hui, on parle du climat. Tous les jours, tous les médias traitent le sujet ou ses annexes et les politiciens, enfin, commencent à se dire qu’il faut s’y mettre aussi.
Quant au Mormont, là, plutôt que climatique, c’est l’urgence-ciment qui continue de dire la loi. Ainsi, le Tribunal fédéral a décidé de reconnaître l’importance nationale du lieu en autorisant, toutefois, pour commencer, de le vider sur 600 mètres de long, 200 de large et 70 de profondeur. Une fois ceci fait, on rebouchera le trou, et, sans doute, on le décrétera joyau national, protégé à tout jamais.
Un jour, une statue en l’honneur de la ZAD
Eh oui, tout le drame est là. Le monde commence à bouger, mais le compte n’y est pas. Le bon rythme, ce n’est pas nous qui le dirons, c’est la nature. Elle s’exprime à livre ouvert. Ainsi, nous connaissons ce qu’il faut faire. Les zadistes le savaient. Aujourd’hui, je suis impressionné que tant de gens le comprennent et semblent prêts à en tirer les conséquences. Ils étaient dans la rue, ils le seront encore; les premiers arrivent dans les parlements; j’espère qu’une des dames de la Marche bleue sera bientôt conseillère fédérale.
J’imagine aussi que, dans pas très longtemps, le canton fera ériger sur la Birette une statue en honneur de la ZAD.
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L’invité – Au Mormont, on a enterré la Birette
Jacques Dubochet a accompagné les zadistes sur la colline près de La Sarraz.