Critique de spectacle Au Pulloff, deux femmes à fleur de peau
Claude-Inga Barbey et Véronique Montel forment un très beau duo d’actrices dans «Conscience du corps», à Lausanne avant Le Reflet à Vevey.

Elles s’enlacent et s’engueulent, tantôt tendres, tantôt revêches. Claude-Inga Barbey et Véronique Montel (qui a remplacé Doris Ittig au pied levé) forment un formidable duo d’actrices dans «Conscience du corps», au Pulloff à Lausanne, avant Le Reflet à Vevey.
Au diapason, les comédiennes étincellent dans cette pièce de la dramaturge américaine Annie Baker.
La trame, rythmée, déroule des enjeux brûlants. Phillys, prof de psychologie (Claude-Inga Barbey), organise la Semaine de la «Conscience du Corps». Elle et sa compagne Joyce (Véronique Montel) accueillent chez elles un invité de l’événement, l’excentrique Frank Bonitatibus (Xavier Loira), photographe renommé pour ses portraits de femmes dénudées.
Le fils de Joyce, Jared (Raphaël Vachoux), probable Asperger torturé par ses pulsions sexuelles, vient fignoler ce tableau prêt à voler en éclats, dans un décor inspiré de Dubuffet.

Très vite, la tension monte. Pour Phillys, Frank est un pervers en puissance, un chantre du patriarcat qui avilit les corps. Joyce, au contraire, perçoit dans ses œuvres une émotion sensuelle. Leurs regards s’entrechoquent, deux visions antagonistes s’affrontent: comment lire dans ces images de nudité? Faut-il s’arrêter sur les intentions de l’auteur ou laisser l’œuvre parler d’elle-même à chacun?
Les débats délicats sur le «wokisme» affleurent et ne sont pas sans rappeler la polémique qui, l’an dernier, a mis en cause Claude-Inga Barbey et ses vidéos controversées de la série «Et toc!»

Peu à peu, les personnages se cherchent, se révèlent. La pièce atteint son climax quand Joyce annonce à Phillys qu’elle posera nue pour Frank. La conscience du corps les met face à une image de soi flétrie par le regard des autres, ternie par l’angoisse du rejet et du dégoût, gâtée par des traumas enfouis.
Dommage que la mise en scène, signée Geoffrey Dyson, force l’artifice théâtral. Certaines scènes – certes drôles – perdent en puissance à force d’appuyer les traits caricaturaux des personnages. Le parti pris finit par desservir le propos.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.