Critique de spectacle à LausanneAu Pulloff, on dit plutôt non à Sarraute
Jean-Luc Borgeat signe la mise en scène «Pour un oui ou pour un nom» de Nathalie Sarraute, à l’affiche jusqu’au 20 février.

Briscard des planches romandes, Jean-Luc Borgeat est un ardent défenseur du texte et de la langue théâtrale. Il y a cinq ans, le Lausannois poussait un coup de gueule contre les formes contemporaines et performatives d’un théâtre qui, s’emportait-il, «devient de plus en plus un «merchandising» de prestige, ne s’adresse qu’à une élite et n’hésite pas à malmener avec violence le spectateur». En écho à son courroux, il signait la mise en scène du «Fauteuil à bascule» puis, en 2019, une version enlevée du «Faiseur de théâtre» de Thomas Bernard, ode grinçante et cynique à l’art dramatique.
Au Pulloff, le parangon du répertoire s’empare d’un autre texte majeur du siècle dernier avec «Pour un oui ou pour un non» de Nathalie Sarraute, à l’affiche jusqu’au 20 février. Mais cette fois-ci, le texte lui résiste. Poussive, la proposition peine à convaincre.
Cette partition – la plus jouée de l’autrice, figure de proue du Nouveau roman – met en scène deux amis fâchés qui pérorent sur les raisons de leur brouille. Ils n’ont pas de nom, on ne leur a assigné qu’un genre et un numéro: H1 et H2. Car leur querelle, leurs mots, leurs rancœurs pourraient être les nôtres. Chez Sarraute, le sens se niche dans les silences, les sous-entendus, les tropismes inconscients. Une intonation mal interprétée peut amener une amitié à se rompre «pour un oui ou pour un non».

Sur un plateau dépouillé, avec deux chaises pour seul décor, les deux compères (Edmond Vuilloud et Jean-Marc Hérouin), bientôt interrompus par F1 (Michèle Grand), dissertent sur leur amitié ébréchée, prenant tour à tour la maîtrise d’une joute verbale acérée. Alors que le dialogue progresse, Jean-Luc Borgeat opère un choix dramaturgique radical: le texte est diffusé voix off et les comédiens (dont on salue la performance), privés de paroles, tentent d’exhaler le sens des mots par leur simple présence scénique. Mais le procédé finit par éroder le sel du duel. Dommage.
Lausanne, PulloffJusqu’au 20 fév.
Rens. caisse@pulloff.chwww.pulloff.ch
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