Jamais un film n’a aussi bien porté son titre: «Avatar». Chacun comprend aujourd’hui ce mot sous son acception informatique de personnage virtuel pour jeux vidéo, secteur économique dont le chiffre d’affaires mondial dépasse de deux fois ceux – cumulés ! - du cinéma et de la musique. S’il y avait une anticipation dans le métrage de science-fiction de James Cameron, elle portait évidemment sur la modification des rapports de force dans l’industrie du divertissement. Un avatar signifiant également une transformation compliquée...
Car il est frappant de constater combien l’héritage d’«Avatar», depuis sa sortie en 2009, s’est bien moins discuté sur un plan artistique que technique, stratégique et commercial. Addition de prouesses informatiques, le film fut vécu comme un phénomène technologique, une expérience qui revivifiait le potentiel spectaculaire, «magique», des premiers cinématographes tout en annonçant l’immersion du spectateur-consommateur dans un quotidien aux frontières toujours moins définies entre réel et virtuel.
«L’impact d’«Avatar» sur la culture populaire fut massif, bien qu’implicite: il a créé le moule dans lequel se fabriquent depuis lors les produits cinématographiques de grande consommation.»
En 2014, un article de «Forbes» jetait un pavé dans la mare de Pandora en décrétant que, contrairement à «Star Wars», «E.T.», «Harry Potter» et autres immenses succès du cinéma, le film le plus vu de l’histoire n’avait eu aucun impact sur la «pop culture» de son époque. Aussi vite consommé que vite oublié. C’est à moitié exact. S’il est vrai qu’aucune «Avatarmania» n’a survécu à sa sortie, s’il est probable que pas grand-monde ne l’a revu une seconde fois ni ne se souvient des premiers rôles (et du scénario?), si aucun costume bleu de Na’vi n’a détrôné dans les boutiques de déguisement celui de Darth Vader, l’impact d’«Avatar» sur la culture populaire fut massif, bien qu’implicite: il a créé le moule dans lequel se fabriquent depuis lors les produits cinématographiques de grande consommation.
Qu’on en juge: parmi les 30 long-métrages ayant rapporté le plus au box office mondial, seuls trois lui sont antérieurs («Titanic», «Le Seigneur des anneaux, le retour du roi», «Jurassic Park»). Ces dernières années, l’équation «plus d’effets spéciaux = plus de recettes» s’est accélérée de façon exponentielle, inféodant les blockbusters à une forme tout ou presque virtuelle où les acteurs évoluent dans une matrice informatique et à un genre, celui de la science-fiction où émergent franchises Star Wars, superhéros Marvel et films d’animation. Et à un même propriétaire, la Walt Disney Company, qui a racheté en 2019 la 20th Century Fox, et donc «Avatar». En sanskrit, le mot signifie divinité.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Éditorial – «Avatar», dieu bleu du nouveau culte virtuel