Littérature romandeAvec son «Fusil», Odile Cornuz fait feu sur l’amour
L’auteure romande autopsie avec minutie le quotidien d’un couple qui se délite, dans un texte ciselé, poignant et poétique.

Servira? Servira pas? Dans son premier roman, l’auteure née à Moudon Odile Cornuz observe avec minutie l’érosion d’un couple. Alors, quand le livre s’intitule «Fusil», on se pose la question, forcément. Car cette arme brandie en couverture ne quittera plus l’esprit des lecteurs. Cette vieille carabine, l’homme la réclame au téléphone, vingt ans après la séparation. Un choc qui fait remonter des souvenirs douloureux chez la femme.
L’auteure, qui sera en rencontre ce samedi 4 février dans le cadre du Prix des lecteurs de la ville de Lausanne, a déjà exploré l’écriture radiophonique, poétique ou théâtrale. Elle allie ici son talent pour les mots qui sonnent avec un art certain de la mise en scène. De l’union joyeuse de promesses au désamour nourri par les «rancœurs accumulées dans les coins ou la matière poreuse», et armé par une agressivité de plus en plus perceptible, l’effilochement des sentiments est narré avec un dispositif très particulier, par le biais d’un objet par chapitre.
Le récit démarre avec un bocal servant à recueillir des têtards que ramasse «la petite», l’enfant de la femme, issue d’une première union. C’est le jour où l’homme demande sa mère en mariage. Il y a les rires du trio, jamais nommé. Cela se poursuit dans «terrain vague» avec les moments d’intimité du couple, tandis que l’enfant joue dehors. Dans «déguisement» déjà, le malaise s’installe.
Indices révélateurs
Chaque objet, même le plus banal, agit comme révélateur des sentiments, ou comme signe annonciateur. Tous viennent éclairer un pan parfois minuscule de la vie du couple ou de la famille, jusqu’à composer, par touches successives et jamais banales, un tableau de plus en plus sombre. Car, en alternance avec le «philodendron» ou la «trottinette», s’invitent les plus inquiétants «crânes», «appeau» ou «congélateur».
Dans un style lapidaire et ciselé, l’auteure signe un texte saisissant. Mêlant point de vue externe et regards des protagonistes, le plus souvent la mère ou la fille, le récit excelle à cheviller à la banalité du quotidien une tension grandissante. On ne révélera pas le rôle du fusil, mais simplement que, dans la décomposition d’une famille recomposée, la violence se décline en bien davantage de nuances qu’une balle tirée.
«Fusil»
Odile Cornuz
Éd. d’en bas, 158 p.
L’auteure sera en rencontre ce samedi 4 février, à 11 h au Lausanne Palace
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