Idiotismes gastronomiquesAvoir un cœur d’artichaut
Un tas d’expressions détournent des aliments pour catégoriser les humains.

N’a pas les honneurs doux amers de se voir attribuer un cœur d’artichaut qui veut. Question de personnalité: s’amouracher, au premier regard, de manière irrationnelle voire naïve, mais se défaire aussi vite de ce sentiment subit, n’est pas donné à tout le monde, surtout pas à ceux dont l’organe cardiovasculaire reste de pierre ou de marbre.
La métaphore est parlante: comme on effeuille un à un les pétales du légume fleur, picorant à chaque fois un peu du cœur qui se fera dévorer complètement, on enchaîne les idylles, donnant un peu trop vite son amour, sans toujours en obtenir en retour.
Être un cœur d’artichaut, ou l’avoir, c’est placer ses émotions au centre de son existence. C’est être un sentimental, un tendre, comme l’est aussi le centre de la plante. Sans pour autant tomber dans la mélancolie ou la nostalgie: l’artichaut se remet vite – dès la prochaine occasion! – de ses effeuillages précipités.
Retour vers le passé
La locution remonte au XIXe siècle. C’est une version simplifiée du proverbe populaire «cœur d’artichaut, une feuille pour tout le monde», qui illustre la propension à multiplier les conquêtes. Voilà pour la partie chaste. Mais l’effeuillage de l’artichaut le met à nu pour qu’on en déguste le fond, qu’on appelle «cul» jusqu’au XIXe siècle. Au XVIe siècle, on prête au comestible des vertus aphrodisiaques et on recommande aux jeunes filles de ne pas y toucher. Sauf les marchands de quatre saisons, qui interpellent volontiers le chaland d’un «l’artichaut, le bel artichaut, pour Monsieur et Madame, pour réchauffer le cul et l’âme!»
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