Dans les médias, des jeunes femmes se font entendre pour dénoncer l’insupportable injonction à la maternité dont elles font l’objet: «Le bébé c’est pour quand?» La petite question qui pèse des tonnes ne les lâche pas, assurent-elles. Elles se sentent jugées, oppressées par «les attentes de la société».
Ces témoignages m’étonnent: ils ne cadrent ni avec mon vécu ni avec mes observations. Il me semble qu’aujourd’hui, plus personne, à part quelques grossiers dinosaures, ne se permet d’interpeller les femmes sur leur fonction reproductrice. La décision d’enfanter relève de la sphère intime, on ne rigole pas avec ça en Suisse en 2023. Alors je m’interroge: de quoi «l’injonction sociale» est-elle le nom?
Je ne vois que trop bien ce que la question de l’enfant a d’anxiogène pour une femme aujourd’hui: en faire ou pas? À quel moment de sa vie? Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, c’est elle qui décide. Génial! Et drôlement angoissant. De plus, il y a tant de choses à faire avant de songer à procréer: finir ses études, voyager, trouver sa place professionnelle. Cela dans un temps existentiel où tout s’allonge, à commencer par le nombre des années de jeunesse.
Tout? La seule fenêtre temporelle qui n’a pas bougé d’un iota est celle de la fécondité féminine. Vous avez 35 ans et encore des airs de collégienne, vous commencez à vous sentir peut-être prête… vous découvrez qu’il vaudrait mieux stresser un brin car il est bientôt trop tard. Ce décalage vécu par les femmes du IIIe millénaire entre horloge existentielle et horloge biologique est tragique, injuste, scandaleux. Elles ont de quoi se révolter. La question est: contre qui, contre quoi? La société a bon dos. La seule instance qui limite leur liberté, c’est bêtement la biologie.
Petit problème: le mot «biologie» est devenu imprononçable. La pensée dite progressiste le bannit, affirmant que tout en nous est construit socialement, à commencer par notre corps. On voit bien d’où l’idée est partie: pendant des siècles, l’argument naturel a été crapuleusement invoqué pour mettre les femmes à genoux, et pas qu’elles. L’escroquerie se devait d’être démasquée, mais voilà que, dans la foulée, est née une vision de l’humain qui pèche par un intégrisme en miroir: 100% de culture, 0% de nature… à l’ère du bio, c’est pour le moins paradoxal, mais passons.
Mon hypothèse est que pour beaucoup de jeunes femmes, se penser limitées par la biologie est devenu insupportable. En dénonçant «l’injonction sociale», elles se rassurent avec un ennemi de substitution. Un réflexe naturel?
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Tout va bien – Biologie