Oui, nous utilisons déjà l’intelligence artificielle à «24 heures». Elle nous permet, sur nos plateformes numériques, d’observer les articles qui fonctionnent et ceux qui fonctionnent moins. Mais il y a plus intéressant que de constater qu’un fait divers fait du clic et que le dernier débat sur la LAT cartonne beaucoup moins. Parce que le numérique informationnel réserve son lot de surprises. Et elles ont quelque chose de profondément humain.
Cette semaine, ce qui vous a visiblement touchés, plus que le nouveau CEO d’UBS, la victoire de l’équipe suisse contre Israël ou même ce chat qu’on a dû euthanasier car sa propriétaire l’avait laissé dépérir, c’est la probable fin du Buffet Express de Vevey. Il y a certes le destin triste du patron, Philippe Carita, qui le gérait depuis vingt ans. Mais ces établissements sont aussi notre patrimoine. Et on ne peut que constater qu’ils disparaissent les uns après les autres.
Un peu d’histoire. Un pan d’histoire. Ces «buffets de gare» se sont généralisés au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle selon le site spécialisé trainconsultant.com. Il y avait des arrêts buffet permettant aux voyageurs de se restaurer à bon marché. Mais plus les trains vont vite, plus les temps de parcours diminuent, moins on a besoin de leurs services. La loi de l’offre et de la demande. Seuls ceux qui sont exceptionnels - comme Le Train Bleu de la gare de Lyon à Paris subsistent. Que fréquentaient Coco Chanel, Brigitte Bardot, Jean Cocteau, Colette, Dali, Jean Gabin, Marcel Pagnol sous «Le Mont-Blanc» peint au plafond par le Moudonnois Eugène Burnand.
«Il y avait des arrêts buffet permettant aux voyageurs de se restaurer à bon marché.»
Sur Facebook, «Yakkay Moovzik» commente l’exemple veveysan: «On remplacera ce lieu de culture, d’échanges, d’habitudes, de compagnie, par un service de restauration rapide, qui n’apportera rien de bien, à aucun niveau. Et voilà comment on tue, petit à petit, les lieux qui tissent les liens sociaux entre les gens. Peut-être le but finalement». Peut-être. Mais n’est-ce pas aussi le signe de la nostalgie d’endroits qu’on ne fréquente pourtant plus beaucoup aujourd’hui, ce qui participe aussi à leur mort? Tibits - après une rénovation respectueuse - fonctionne mieux que ne le faisait depuis longtemps le buffet de Lausanne.
C’est cette crainte de la standardisation qu’évoque aussi Benoît Duteurtre dans son essai, «La nostalgie des buffets de gare». Décrivant le risque qu’au fil des rénovations rien ne ressemble plus à une station de chemin de fer qu’une autre station de chemin de fer. Avec leurs galeries marchandes et enseignes identiques. Bref, il ne faut rater ni le train de la modernité ni celui du poids des habitudes, rester dans le bon wagon tout en aiguillant le client sur de bons rails. Je connais d’autres secteurs qui font face à ces défis.
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Éditorial: la transformation des gares – Buffet froid