Critique musicaleCaribana s’enflamme pour le rock pompier
Avec The Offspring et Powerwolf, metal, punk et autres joyeusetés lourdes et grasses ont lancé mercredi la 30e édition du festival de Crans-près-Céligny. On a bien rigolé.

Mercredi, 22 h 25. La foule en masse transpire devant la grande scène du festival Caribana, 30e édition, premier retour en force dans l’agenda des festivals estivaux de l’arc lémanique après trois ans de disette pandémique. Ce soir, on vous met le feu. Ce soir, c’est rock pompier. Le lac frémit. L’orage menace à l’ouest.
Réglé comme une montre suisse, le groupe américain The Offspring, 38 ans de carrière, envoie dès l’entame du concert l’un de ses plus gros tubes. «Come Out and Play (Keep ‘Em Separated)», son riff de surf music, son chant gouailleur, sa touche jeunesse. Gros bastringue sans surprise pour un public d’anciens adolescents qui a depuis longtemps éduqué sa progéniture à la pop culture des années 90, époque lointaine dont le groupe californien reste l’un des représentants majeurs, versant punk rock, fixé dans sa gloire passée, pétrifié, muséifié.
Lyrisme et loups baveux

The Offspring à Caribana, le 15 juin 2022, photographie approuvée par l’artiste ceci plus de 24 heures après le concert.
Quelques nouvelles marquantes concernant The Offspring: son chanteur, Dexter Holland, la cinquantaine bien frappée, a obtenu un doctorat en biologie moléculaire et vendu plus d’un million de bouteilles de la sauce piquante à son effigie.
Sinon, Caribana aime aussi le metal. Sous toutes ses formes. Brut sous les doigts agiles des Genevois Promethee, prestation solide en ouverture sous le cagnard. Emphatique pour Ad Infinitum, combo germano-suisse perclus de lyrisme. Avec le décorum enfin – et cela plaît parfois plus que de raison, ainsi qu’on l’apprendra en observant les réactions des spectateurs.

Voir alors cette esthétique de train fantôme croisée avec «Notre Dame de Paris», ogives et colonnades gothiques de carton-pâte en fond de scène. Au-dessus a été tendu une immense toile peinte de style heroic fantasy: pas de Conan le barbare mais des loups baveux, des monstres dentus, portant capuche monacale et tiare de terribles seigneurs guerriers.
Ainsi va Powerwolf, les «loups» allemands, immense succès sur internet, maquillés de gris cendré pour la scène, portant cache-poussière en cuir noir et toutes sortes d’accessoires luisants, dont cette superbe étole de curé dont on se dit bien qu’elle ne suit sans doute pas l’orthodoxie. Aux instrumentaux metal très classiques répond le chant en latin, allemand ou anglais pour faire monter la sauce. Musique basique, vocaliste limité. L’essentiel tient dans le spectacle.

Powerwolf qui soigne ses ouailles, nombreuses dans l’assistance à lancer un bras en avant au cri de «hey». Et l’on s’interroge encore une fois sur le fond du fond de ce qui traîne dans la tête de certains auditeurs…
Mais Powerwolf, après tout, ce n’est rien que du Grand-Guignol, des «Alléluia» grinçant sur une mélodie à deux sous empruntée à une cantate de Noël, du Disney pour amateurs de têtes de mort. Potache au milieu, simpliste sur les bords, rock dans ses fondements. Très drôle, dans l’ensemble.
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