Les arcanes d’une fuiteCarlos Ghosn: «J’ai décidé de tous les détails de l’évasion»
L’ex-magnat de l’automobile revient sur sa rocambolesque fuite du Japon en 2019 dans une interview au «Parisien».

Très discret depuis son évasion spectaculaire du Japon en 2019, Carlos Ghosn rompt le silence. Dans une interview accordée au «Parisien» depuis Beyrouth, la capitale libanaise, l’ex-magnat de l’automobile revient sur l’affaire qui a tenu le monde en haleine et les arcanes de sa préparation.
«C’était une opération très risquée», explique-t-il d’emblée au quotidien français, assurant avoir «pratiquement décidé de tous les détails». Différentes options ont dû être étudiées. La possibilité d’une fuite par mer a été battue en brèche car une intervention entre le départ et l’arrivée du bateau fragilise ses chances de succès.

Gros caisson percé de petits trous
L’affaire Ghosn remonte à décembre 2019. Le Japon se réveille dans la stupeur, en apprenant la fuite au Liban de son plus célèbre inculpé de l’époque. Le grand patron déchu de Nissan, Renault et de leur alliance automobile, jusqu’alors en liberté sous caution et dans l’attente de son procès pour malversations financières présumées, avait l’interdiction de quitter le pays.
L’ex-magnat ne détaille pas véritablement les jours précédant sa fuite. Mais après l’évasion, les enquêteurs avaient révélé plusieurs informations dans la presse. Deux jours avant l’opération, le Franco-Libano-Brésilien avait tranquillement quitté son domicile à Tokyo pour rejoindre Osaka en prenant le Shinkansen (train à grande vitesse japonais) portant bonnet, masque et lunettes pour éviter d’être reconnu.
Les deux hommes qui l’accompagnaient avaient été identifiés, après l’évasion, à partir d’images de surveillance: Michael Taylor et George Antoine Zayek, un homme d’origine libanaise. Les trois hommes ont rejoint un hôtel près de l’aéroport international du Kansai, près d’Osaka.
Le gros caisson de matériel audio dans lequel Carlos Ghosn s’était caché aurait été percé de petits trous pour lui permettre de respirer. Se faisant passer pour des musiciens, ses deux complices ont pu embarquer leurs bagages sans passer les contrôles de sécurité à l’aéroport, comme c’était alors permis au Japon pour les jets privés.
Ils se sont ainsi envolés vers Istanbul, d’où Carlos Ghosn a pris un autre avion privé pour le Liban, où il réside toujours.
«Dans la soute, il faisait un peu froid»
Revenant sur ses conditions de voyage, Carlos Ghosn a fait savoir qu’il ne voyait rien dans le caisson. «Dans la soute de l’avion, il faisait un peu froid», confie-t-il en relativisant que cette sensation était moins inquiétante que ce qu’il a vécu au Japon. Pays dont il critique vertement le système judiciaire. «Un système exceptionnel qui vous pousse au suicide mais qui vous retient au dernier moment de passer à l’acte», confie le grand patron déchu de Nissan-Renault.

S’il lui reste une bataille à mener, c’est bien contre ce système judiciaire qui fait «malheureusement l’ombre du Japon» et prend en otage les justiciables. Et de souligner: «J’aimerais venir en aide aux milliers de personnes que j’ai vu pourrir dans les prisons japonaises.»
Carlos Ghosn fait l’objet d’un mandat d’arrêt du Japon avec une demande d’arrestation par Interpol, mais reste hors d’atteinte au Liban, qui n’extrade pas ses ressortissants. Concernant la suite du volet judiciaire, il mentionne que le Liban a demandé son dossier au Japon en vue de le juger, mais que les autorités nipponnes n’y ont pas donné de suite.
Etonam Ahianyo est journaliste au sein de la rédaction numérique des médias payants. Auparavant, il a travaillé à «20 minutes», «NewsExpress» et comme correspondant en Afrique de l’Ouest pour plusieurs médias internationaux.
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