«Ces élections sont devenues un plébiscite pour ou contre l'UDC»
Spécialiste de l'UDC, Oscar Mazzoleni décode la course au Conseil d'Etat qui fait rage en Valais.

Des mois de campagne acharnée pourraient bien déboucher sur un statu quo! A six jours des élections cantonales valaisannes, c'est en tout cas ce que prévoit un sondage de la SSR. En tête, un trio PDC, emmené par Christophe Darbellay, devant les deux sortants Oskar Freysinger et Esther Waeber-Kalbermatten. Le statu quo en termes de forces politiques, donc. Pourtant, cela n'empêche pas toute la Suisse de suivre bouche bée une campagne qui ne ressemble en rien aux autres, par sa durée, son intensité et sa violence. Et l'UDC mène le jeu. Décryptage avec le spécialiste de cette formation, Oscar Mazzoleni, professeur de sciences politiques à l'Université de Lausanne
Pourquoi toute la Suisse se passionne-t-elle pour ces élections valaisannes?
D'abord, parce que plusieurs protagonistes sont connus sur le plan national. Ensuite, puisque c'est la première élection cantonale après la victoire de Donald Trump et qu'elle se déroule simultanément à une campagne présidentielle française très intense. Cela contribue à la confrontation entre certaines positions sur la politique migratoire ou sur la révolution conservatrice et l'opposition à ces positions. Surtout, la polarisation se traduit par une mobilisation très forte, qui imprègne la société civile et pas uniquement les candidats ou les états-majors des partis. C'est ce qui fait du Valais un laboratoire très intéressant.
La campagne est d'une rare intensité - on peut même dire d'une rare violence
C'est une campagne très polarisée dans laquelle l'UDC est la principale protagoniste, avec le risque que l'élection se transforme en un plébiscite pour ou contre l'UDC, pour ou contre Oskar Freysinger. La conséquence est d'effacer les autres candidats et les autres partis politiques, à l'exception peut-être de ceux qui se présentent comme les opposants de Freysinger, comme c'est le cas de Christophe Darbellay.
L'UDC dicte l'agenda?
En grande partie c'est le cas. Le parti s'inspire des stratégies de marketing développées par Blocher depuis plusieurs années. Il met en place toute sa force communicationnelle dans le but de garder Oskar Freysinger à la une des médias. Cependant cette personnalisation extrême autour d'Oskar Freysinger n'est pas sans danger: popularité ne signifie pas toujours bonne réputation. Le risque est d'ouvrir la brèche aux critiques envers sa façon partisane d'exercer son mandat de ministre, alors que cette fonction suppose de la collégialité, au-delà des attaches partisanes.
Il y a aussi les coups bas. Ainsi Roger Köppel qui relaie les rumeurs sur un deuxième enfant illégitime de Darbellay. Cette intervention était-elle pilotée par l'UDC?
Difficile à dire. Mais la manière dont Oskar Freysinger s'en est distancé, tout en défendant Christophe Darbellay, a eu pour effet d'améliorer son image. Freysinger montre qu'il est fair-play et qu'il n'utilise pas les potentielles calomnies. Autrement dit, «voyez, il y a pire que moi, je ne veux pas être complice de ces rumeurs». Voilà une stratégie de communication qui vise à contrer l'image stigmatisante d'enfant terrible ou outsider de la politique valaisanne, image qui serait davantage compatible avec le rôle de leader du parti que de conseiller d'Etat.
L'UDC a dynamité la campagne avec sa liste Ensemble à droite qui défie le PDC. Habile ou risqué?
L'UDC a mis en place une stratégie d'élargissement de son soutien. C'est la même stratégie que celle suivie par Christoph Blocher, dans les années 90. Elle décide de devenir le plus grand parti bourgeois et de droite en Suisse en gagnant des électeurs sur le PLR et le PDC et en mettant en place des alliances avec ceux qui, au sein de ces partis, ne sont pas d'accord avec la manière dont la politique est menée. Au Valais, l'UDC cherche notamment à gagner un électorat déçu du PDC. Une façon de le séduire, c'est d'avoir des
candidats qui ont rompu avec le parti. Cela place donc l'UDC dans une optique qui embrasse une coalition bourgeoise et conservatrice plus large au nom de mots d'ordre qui s'inscrivent dans le programme UDC.
C'est donc une stratégie de cannibalisation?
Répondre à des électeurs déçus avec une proposition alternative, est-ce du cannibalisme? C'est une question de points de vue. Si vous êtes UDC, vous ne direz jamais ça. Cela fait partie de la compétition politique. Dans les années 90-2000, l'UDC s'est posée comme une alternative à droite et en dénonçant les partis bourgeois traditionnels comme étant soumis au diktat de la gauche. Et cela a été une des raisons de son succès et de l'affaiblissement du PLR et du PDC dans plusieurs cantons.
Il ne s'agit pas d'union des droites, comme à Fribourg.
Dans le Valais, la situation est différente, plus concurrentielle et incertaine. Aujourd'hui, l'enjeu de la campagne c'est d'abord de défendre le siège de Freysinger au Conseil d'Etat, et non pas d'en avoir deux ou trois. Cette manière de se présenter comme une alternative à la logique de collégialité traditionnelle est d'abord pour l'UDC une tentative de répondre aux difficultés vécues par Freysinger au sein du gouvernement ces dernières années.
A aucun moment il n'y a eu une véritable intention de gagner un deuxième, voire un troisième siège?
Dans une campagne électorale, notamment pour les partis qui veulent changer les choses, il faut toujours avoir des objectifs ambitieux si on veut mobiliser ses partisans. Aujourd'hui, les questions qui se posent concernent le nombre de voix qu'Oskar Freysinger va obtenir, si son élection sera serrée ou pas, et si, par effet boule de neige, il va réussir à favoriser son parti au Grand Conseil.
Et comment comprendre son discours sur la société gréco-chrétienne? C'est nouveau à l'UDC?
On peut y voir une dimension anti-islam - n'oubliez pas le rôle d'Oskar Freysinger dans la campagne contre les minarets. Ensuite, elle est évidemment une tentative de gommer le rôle de la tradition juive, à l'encontre de l'expression, bien plus répandue, de civilisation «judéo-chrétienne». La négation de l'héritage juif est répandue dans des milieux nationalistes français accusés de frôler l'antisémitisme. De plus, on peut y voir une connotation électorale. Le fait d'insister sur la dimension proprement chrétienne apparaît comme une manière de faire appel aux électeurs PDC et à leur identité confessionnelle.
Ce vocable «gréco-chrétien» va-t-il s'enraciner au sein de l'UDC Suisse?
Au sein de l'UDC, c'est surtout la mouvance identitaire - on pense au comité d'Egerkingen, qui a lancé l'initiative antiminarets - qui utilise ce genre de terminologie pour thématiser la défense des valeurs occidentales contre l'emprise de l'Islam. On retrouve cela au Tessin, y compris au sein de la Ligue des Tessinois, et de manière moins marquée à Genève, avec le MCG. Mais cela ne correspond pas à l'ensemble de l'UDC, et notamment à l'aile économique d'une Magdalena Martullo-Blocher. Pour cette aile du parti, les questions identitaires et civilisationnelles sont moins décisives que la question européenne ou les enjeux économiques.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.