Disparu il y a 75 ansCharles Ferdinand Ramuz reste plus vivant que jamais
Trois quarts de siècle après le décès du monument littéraire, ses textes ressortent en grappes, et le musée qui lui est consacré devrait ouvrir en 2023.

Disparu le 23 mai 1947, il y a 75 ans, Charles Ferdinand Ramuz reste plus actuel que jamais. Les histoires qu’il raconte semblent ancrées dans une autre époque, mais leur propos est intemporel. Elles évoquent la condition humaine, avec tout ce qu’elle charrie d’amour et de tragédies. Tout comme son style, une écriture très visuelle qui saisit la réalité sous de multiples angles.
Si elles ne figurent pas dans les lectures obligatoires, ses œuvres sont par ailleurs souvent étudiées dans les gymnases vaudois, notamment «La beauté sur la terre», «L’Amour du monde», «Farinet, Passage du poète» ou «Vie de Samuel Belet». Enfin, «Aline» figure parfois même au programme au secondaire I.
Peter Utz, professeur honoraire à la Faculté des lettres à l’UNIL, ne dit pas autre chose dans la préface d’une réédition de «Derborence» qui paraîtra début juin en poche chez Zoé. Son œuvre sans doute la plus connue, ici restituée dans sa version originale, a fait entrer les éboulements de 1714 et 1749 qui ont enseveli Derborence dans l’histoire. «En perpétuant la mémoire de ce cataclysme, Ramuz l’inscrit dans ce qu’on peut appeler la culture helvétique des catastrophes – celles-ci, réelles ou potentielles, pointent au revers du mythe alpestre que la Suisse cultive pour des raisons touristiques et identitaires.»
À certains égards, Ramuz semble encore plus actuel qu’il y a quelques années. En 2017, «24 heures» avait recueilli des avis sur ce monument des lettres vaudoises à l’occasion des septante ans de sa mort. Ce qu’en disait Roland Buti, auteur du roman «Le Milieu de l’horizon» adapté au cinéma avec Lætitia Casta, ne parait que plus juste: «La thématique de l’homme seul confronté à une nature de catastrophes est très moderne et me semble proche de nos angoisses actuelles.»
Pléthore de parutions
Pour vérifier que Ramuz n’a pas pris une ride, les lecteurs ont désormais l’embarras du choix puisque dès 2018, l’œuvre est entrée dans le domaine public, avec des parutions dans des formats plus compacts que les romans parus dans la Pléiade en 2005 et les œuvres complètes (Ed. Slatkine). En tant que classiques, les textes de l’écrivain ont d’ailleurs tiré leur épingle du jeu durant la pandémie, les Éditions de l’Aire indiquant ainsi qu’ «Aline» a figuré dans ses meilleures ventes.
On pourra trouver aussi des écrits plus confidentiels comme «Découverte du monde», qui sort aussi début juin chez Zoé. Là, on découvre un Ramuz enfant, avec, déjà, cette acuité face à son environnement: «Surtout, pour la première fois, je me heurtais à la difficulté, car la nature n’est pas faite pour être seulement regardée. Je voyais qu’il y a une autre manière de la rejoindre et plus profondément que par les yeux, c’est avec le corps.»
Cette collection de la maison genevoise qui comprend aujourd’hui 16 titres est née avant tout pour mieux faire redécouvrir l’auteur en France: «Malgré la Pléiade, il n’est pas encore connu à la hauteur de son envergure.» Caroline Coutau relève un «enthousiasme réjouissant» mais ne s’arrêtera pas là: «Mon rêve est que Ramuz figure au programme de l’agrégation. Nicolas Bouvier l’a bien été!»
En parallèle, d’autres formats, comme le roman graphique tiré de «Derborence», paru récemment aux éditions Helvetiq, draine désormais un autre public. On n’a donc pas fini de redécouvrir Ramuz.
Caroline Rieder est journaliste à la rubrique culture-société depuis 2013. Elle s'occupe en particulier de la littérature romande, mais se penche aussi avec intérêt sur la littérature jeunesse, et divers sujets culturels et sociétaux.
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