Des louveteaux aux employésChef scout un jour, manager toujours?
Le scoutisme permet de développer des compétences qui peuvent être utiles aux cadres et aux dirigeants d’entreprise.

Le Mouvement Scout de Suisse compte actuellement 48’000 membres. C’est sans compter tous ceux qui l’ont été par le passé, dans leur jeunesse. Cumulé, le nombre de scouts (actuels et anciens) doit être bien plus important dans notre pays.
Du coup, forcément, on connaît tous quelqu’un qui est scout ou qui l’a été. Cela peut être le cas en particulier dans son entourage professionnel; un collègue, un chef de service ou un dirigeant d’entreprise. Ce ne serait d’ailleurs pas étonnant que l’un ou plusieurs de nos supérieurs hiérarchiques l’aient été. En effet, le scoutisme permet, en plus d’acquérir des compétences pratiques (comme faire un feu, dresser une tente, construire un abri avec du branchage ou porter les premiers secours), lorsqu’on est responsable d’une patrouille, de développer des compétences «managériales», lesquelles peuvent être utiles plus tard, dans la vie professionnelle, dans des fonctions d’encadrement. C’est l’avis de cadres ou directeurs d’entreprises que nous avons interrogés.
Des «compétences précieuses» au quotidien
«Lorsqu’on est chef scout, il faut être autonome et organisé, savoir conduire une patrouille, gérer
diverses activités et assurer l’intendance, mais aussi savoir faire preuve de débrouillardise, de flexibilité et d’agilité face aux imprévus», explique Dominique Gros, directeur financier de Kelly Services pour la Suisse, l’Italie et la Hongrie, et qui a été scout de l’âge de 7 à 20 ans sous le totem (surnom scout) de «Koala», puis chef de patrouille dès 14 ans. Le responsable reconnaît que ces compétences, en plus des valeurs du scoutisme, parmi lesquelles l’esprit d’équipe, la camaraderie et l’entraide, lui ont été «précieuses» et lui sont, aujourd’hui encore, «utiles au quotidien» dans sa fonction.
Directrice de la société de création textile Pangolina basée à Pully (VD), scout dès l’âge de 14 ans et cheffe de patrouille jusqu’à 20 ans, Eleonora Paradies confirme. «Quand on s’occupe de jeunes qui sont de cultures et de religions différentes, comme c’est parfois le cas dans le mouvement scout, il faut faire montre de pédagogie, de psychologie, de sociabilité, d’écoute, d’empathie, d’adaptation et de consensus. Cela m’a été utile à l’époque au sein du scoutisme. Cela m’a été aussi profitable plus tard dans ma vie professionnelle, autant avec les collaborateurs qui ont été sous ma responsabilité dans les services que j’ai dirigés dans différentes entreprises, qu’avec la clientèle de la société que j’ai fondée», ajoute-t-elle.
«La discipline, la solidarité, ces notions m’étaient familières depuis cette expérience de jeunesse.»
Chief operating officer (COO) dans l’industrie alimentaire en Suisse et, lui aussi, ancien chef de patrouille scout sous le totem de «Fenec», Stéphane Meylan abonde. Également major dans l’armée, il estime que le scoutisme, par son aspect un peu martial, lui a permis «une transition plus facile et logique» vers la vie militaire: «La discipline, la solidarité, ces notions m’étaient familières depuis cette expérience de jeunesse.»
Pas «une école de management»
Nos trois intervenants ont pour points communs, en plus d’avoir été chefs de patrouille scouts, d’avoir tous occupé très tôt des postes de responsables dans les entreprises pour lesquelles ils ont travaillé. Stéphane Meylan a été manager dès l’âge de 20 ans, Dominique Gros dès 26 ans et Eleonora Paradies dès 27 ans. Serait-ce dû au scoutisme? Cette expérience les aurait-elle influencés, préparés, voire conditionnés à devenir cadres plus tard? Et estiment-ils être meilleurs managers ou patrons aujourd’hui parce qu’ils ont été chefs scouts dans leur jeunesse?
Selon leur témoignage, l’influence du scoutisme sur la vie professionnelle doit être relativisée: «Le scoutisme n’est pas une école de management, souligne Dominique Gros. Ce que j’ai acquis chez les scouts a été renforcé par ce que j’ai appris au cours de mes études et de mon expérience professionnelle.» Stéphane Meylan nuance aussi: «Les diverses compétences décrites précédemment, je ne dirais pas que je les ai acquises au sein du scoutisme, mais qu’en fait, je les avais en moi, un peu innées, et que cette expérience m’a permis de les mettre en pratique et de les développer.» Eleonora Paradies confirme et poursuit: «Tous les anciens chefs scouts que j’ai connus à l’époque ne sont pas pour autant devenus plus tard cadres ou patrons.»
Des bénéfices relatifs pour la carrière
Avoir été chef scout dans sa jeunesse, les compétences «managériales» développées à cette occasion, mais aussi le réseau des anciens scouts permettent-ils, à l’âge adulte, d’obtenir un job plus facilement, de grader plus rapidement dans son entreprise ou de gagner des contrats plus aisément face à la concurrence? Les avis
divergent.
Stéphane Meylan déclare que le scoutisme «n’a rien apporté» dans sa vie professionnelle civile et militaire. Même s’il reconnaît que cela «a été une première expérience qui m’a forgé et qui m’a probablement permis de faire le reste de ma carrière. C’est l’un des éléments qui m’a permis d’obtenir ce que j’ai aujourd’hui, même si c’est de manière indirecte.»
Eleonora Paradies est plus mitigée: «Je n’ai pas le souvenir que, lors des entretiens d’embauche, un recruteur m’ait interrogé sur ma période scoute, d’autant que certains ne connaissent que très peu le scoutisme. Certains l’ont peut-être considéré, mais sans l’évoquer à l’entretien. Cela dit, il est vrai que les compétences développées du temps où j’étais cheffe scoute ont été une clé plus tard pour occuper certains postes à responsabilités dans les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. En revanche, depuis que je dirige ma propre entreprise, je n’ai décroché aucun contrat grâce aux contacts que j’ai conservés avec d’anciens scouts.»
«C’est un atout pour la vie quotidienne, notamment professionnelle, même si on ne devient pas manager.»
Dominique Gros estime que les compétences développées alors lui ont permis «d’avancer plus rapidement» dans sa carrière et que les contacts d’anciens scouts lui ont offert quelques «opportunités professionnelles».
Une expérience à valoriser professionnellement
Toutefois, indépendamment de l’éventuel intérêt professionnel ultérieur, Dominique Gros recommande le scoutisme comme une bonne expérience de vie. Eleonora Paradies confirme: «C’est un atout pour la vie quotidienne, notamment professionnelle, même si on ne devient pas manager.»
Tous deux conseillent enfin de ne pas hésiter à le mentionner dans son CV, surtout lorsqu’on est jeune et qu’on a peu d’expériences professionnelles, car cela démontre certaines qualités du candidat qui peuvent être appréciées par des employeurs.
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