Ne dépense pas l’argent que tu n’as pas. Cet adage est comme un gène suisse. Je l’ai si souvent entendu dans la bouche de ma grand-mère. Je l’ai lu dans des pubs de banques. Longtemps, je l’ai vu appliqué par le Conseil fédéral et le parlement.
Dettes réduites au minimum, respect strict du saint frein à l’endettement, dépenses toujours mesurées: à Berne, longtemps, un franc a été un franc. Aux Chambres, le grand frisson se résumait à prendre 10 millions à un poste budgétaire et l’affecter à un autre.
Et puis il y a eu le Covid et son déferlement de milliards pour compenser les dégâts des fermetures. Aujourd’hui, à Berne, on a changé d’échelle. Un milliard est un milliard. La dernière session parlementaire en a fourni quelques preuves: et hop, 2 milliards de budget en plus pour l’armée. Et hop, 2 milliards pour alléger les primes d’assurance maladie.
«Les partis politiques alignent les propositions mais on n’entend pas le Conseil fédéral.»
La scène est rare, mais lors de cette dernière session j’ai même surpris un fonctionnaire fédéral, classeur A4 sur les genoux, suivre un vote dans l’allée des Pas perdus et pester à voix à peine basse contre ces «élus qui dépensent encore sans compter»!
Le grand argentier de la Confédération Ueli Maurer s’étrangle: «On a complètement perdu le rapport à l’argent. Personne ne veut payer plus d’impôts mais on décide de dépenser en continu», a-t-il déclaré à la fin de la session.
A-t-on perdu le rapport à l’argent? Il est vrai que la pandémie a profondément changé la vision politique de la capacité financière de la Confédération et de la manière de s’en servir en cas de scénario extraordinaire.
Les questions aujourd’hui sont les suivantes: la crise climatique et les conséquences de la guerre en Ukraine – humaines, financières et économiques - nécessitent-elles un effort comparable à celui fourni pendant le Covid? Et si oui, pendant combien de temps et comment le financer?
Pour l’heure, on navigue en plein brouillard. Les partis politiques alignent les propositions mais on n’entend pas le Conseil fédéral. Il devra de toute manière, tôt ou tard, effectuer des arbitrages et fixer des priorités.
À chacun ses soucis
Malheureusement, le gouvernement en tant que collège reste un concept flou surtout lorsque le bateau tangue. Aujourd’hui, le président Ignazio Cassis est tourné vers Lugano pour la conférence sur l’Ukraine, le vice-président Alain Berset a sa réforme des retraites à défendre, Simonetta Sommaruga est au chevet du climat, Guy Parmelin prospecte du gaz et du mazout, Karin Keller-Sutter des emplois pour les réfugiés et Viola Amherd des projets pour son armée.
Ueli Maurer est donc condamné à jouer l’arbitre tout seul. L’élu UDC l’a fait cette semaine en tirant à boulets rouges sur les prétentions de l’armée et en distribuant des cartons jaunes au parlement. Il faut du cran pour camper l’Oncle Picsou. Si j’étais lui, je foulerais aux pieds un autre adage bien suisse, «servir et disparaître» et resterais au gouvernement encore cinq ans.
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La rédaction – Cher Monsieur Ueli Maurer, tenez bon, s’il vous plaît!
La pandémie a profondément changé la vision qu’ont nos élus de la capacité financière de la Confédération.