Depuis mercredi, le cinéma suisse est en vitrine à Soleure, à l’occasion des Journées cinématographiques. Si l’ouverture de cette 58e édition a été un peu perturbée par la neige – bloqué au WEF à Davos, le président Alain Berset n’a pas pu s’y rendre pour le discours d’ouverture – le programme concocté par le nouveau directeur artistique Niccolò Castelli s’annonce prometteur, riche en variété et opportunités de s’interroger sur notre cinématographie qui se porte, quoi qu’on en dise, plutôt bien!
Je lis et j’entends parfois, trop souvent sans doute, des propos négatifs sur le cinéma d’ici, qui n’existerait pas, qui serait ennuyeux et inintéressant. Un petit tour par Soleure suffit à se convaincre du contraire. Et la présence toujours plus forte de films d’ici dans des festivals majeurs à l’étranger démontre que la création venue d’Helvétie existe bel et bien.
«Plus de quarante films suisses d’hier et d’aujourd’hui ont été présentés devant un public qui s’étonnait tout le temps de la variété, de l’originalité et de la créativité de nos artistes.»
Rappelons qu’au dernier Festival de Cannes, notre Lionel Baier a présenté en première à la Quinzaine des réalisateurs son grinçant «La dérive des continents (Au sud)». Nous ne saurons que lundi si la Berlinale 2023 mettra en lumière d’autres films suisses; mais certains des sélectionnés (et primés) de l’édition 2022 sont aujourd’hui à l’affiche des salles romandes, notamment le puissant «La ligne» d’Ursula Meier, dont la remarquable intensité semble attirer un nombreux public; ou encore «Unrueh» de Cyril Schäublin, étonnante production autour du monde ouvrier, de l’horlogerie et de l’anarchisme dans les Franches-Montagnes. Il faut aussi signaler qu’un autre film suisse était en compétition à Berlin, «Drii Winter» de Michael Koch (sorti en automne). On pourra aussi voir dès la fin de ce mois en salle la jouissive réalisation de Delphine Lehericey, «Last Dance», avec François Berléand et La Ribot, qui avait illuminé la Piazza Grande à Locarno.
Et ce n’est pas tout: par le jeu des collaborations internationales, notre pays est intervenu dans de nombreuses productions majeures, comme «El Agua» de l’Espagnole Elena López Riera ou «Under the Fig Trees» de la Franco-Tunisienne Erige Sehiri (tous les deux également montrés à la Quinzaine, et qui sortiront en février et mars), «El gran movimiento» du Bolivien Kiro Russo (primé à Venise) ou même la Palme d’or «Triangle of Sadness» du Suédois Ruben Östlund. À des degrés divers, ces films profitent à l’écosystème helvétique, font travailler des techniciens et des comédiens d’ici, et enrichissent les échanges et l’ouverture de notre pays – toujours et encore exclu des importantes aides européennes.
Les Suisses à l’honneur en Bretagne
Fin août dernier, avec un grand nombre de cinéastes, producteurs et auteurs suisses, j’ai été invité au festival de Douarnenez, en Bretagne, une importante manifestation fondée en 1978 qui a pour but de faire découvrir par leur cinéma «les peuples minorisés et/ou minoritaires qui luttent pour leurs cultures, leurs langues, leur identité voire leur survie».
Sous le titre «Helvètes Underground», c’est le cinéma suisse qui était à l’honneur (!), un cinéma qui, il est vrai, a connu son essor dans les années 60 dans un processus de révolte et de critique de l’ordre établi. Plus de quarante films suisses d’hier et d’aujourd’hui ont été présentés devant un public qui s’étonnait tout le temps de la variété, de l’originalité et de la créativité de nos artistes. Bref: émerveillés, ils découvraient un continent méconnu. Ainsi, alors que notre cinéma retrouve les écrans du reste du monde, il serait temps que nos compatriotes s’en rendent compte, eux aussi.
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Carte blanche – Cinéma suisse, un continent méconnu
Frédéric Maire salue la vitalité des cinéastes d’ici et la présence de la Suisse dans des productions majeures.