Comment booster Amarelle ou Nicolet?
Huit stratégies mathématiques se confrontent pour l'élection du gouvernement. Pour élire ses candidats, chaque camp doit voter pour ses adversaires.
Dès le lendemain des élections cantonales de 2012, les stratèges politiques vaudois ont dégainé leurs calculettes pour peaufiner la meilleure stratégie dans l'optique du scrutin de cette année. Autant dire que les ordinateurs chauffent à cinq semaines du premier tour de l'élection au Conseil d'Etat.
Officiellement, les partis appellent les Vaudois à utiliser les bulletins de vote pré-imprimés, sans les modifier. Celui de la gauche contient quatre noms: les sortants Pierre-Yves Maillard (PS), Nuria Gorrite (PS) et Béatrice Métraux (Verts), auxquels s'ajoute Cesla Amarelle (PS). A droite, le ticket contient aussi quatre noms: les sortants libéraux-radicaux Pascal Broulis, Jacqueline de Quattro et Philippe Leuba, auxquels est adjoint l'UDC Jacques Nicolet. L'enjeu est de savoir qui de Cesla Amarelle ou de Jacques Nicolet rejoindra les six ministres en place.
Le principe: isoler l'adversaire
L'analyse mathématique montre que, pour booster son nouveau champion, chaque camp doit en réalité voter pour les héros du camp adverse. Le but: élire les trois sortants «d'en face» dès le premier tour, pour démobiliser leur électorat lors du deuxième tour. Ce qui permettrait d'isoler le challenger concurrent (Nicolet ou Amarelle) et de le battre.
En théorie, si Pascal Broulis, Jacqueline de Quattro et Philippe Leuba sont élus directement, leurs électeurs pourraient renoncer à voter au deuxième tour et ne soutiendraient pas Jacques Nicolet. Ce qui profiterait à la gauche. L'inverse est aussi vrai, même si les électeurs socialistes et Verts sont traditionnellement plus soudés.
Tous les stratèges politiques le savent, mais aucun ne le dit ouvertement. 24 heures a fait les calculs et présente les huit bulletins possibles pour booster Cesla Amarelle ou Jacques Nicolet.
Les trois règles de base
Il existe trois règles de base pour l'élection du Conseil d'Etat cette année, que personne ne conteste vraiment. La première, c'est que Pierre-Yves Maillard et Pascal Broulis, comme en 2012, seront élus dès le premier tour. Nuria Gorrite pourrait les rejoindre directement. La chose est moins certaine pour Jacqueline de Quattro et Philippe Leuba, mais pas impossible.
Deuxième règle: Cesla Amarelle et Jacques Nicolet devront obligatoirement passer par un deuxième tour. Béatrice Métraux le risquerait aussi. Enfin, les sept autres candidats (trois de la gauche radicale, trois du centre et un indépendant) feront office de figurants, pour tirer leurs listes pour le Grand Conseil.
Pourquoi l'UDC a peur du PLR
C'est l'UDC qui a le plus de soucis à se faire, car elle n'est pas certaine que la base du Parti libéral-radical (PLR) soutienne son candidat Jacques Nicolet, malgré l'alliance officielle. Les électeurs PLR y voient un parti qui sape l'économie suisse. En plus, l'UDC a refusé l'idée d'une alliance élargie aux Vert'libéraux et les récents propos de Jacques Nicolet – concernant notamment Marine Le Pen – passent mal.
Pour se faire peur, l'UDC a encore en mémoire l'élection de 2012, quand les trois sortants PLR et Pierre-Yves Maillard avaient été élus dès le premier tour. «L'expérience de 2012 montre qu'une partie de l'électorat PLR s'est démobilisée, tandis que la gauche a serré les rangs, ce qui a contribué à mettre notre candidat sur la touche (ndlr: Claude-Alain Voiblet)», commente Kevin Grangier, secrétaire général de l'UDC Vaud.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. On comptait alors 58 000 électeurs de gauche au premier tour et 66 000 au deuxième. A droite, on dénombrait 24 000 électeurs UDC à chacun des deux tours. L'électorat PLR, lui, avait chuté de 38 000 à 30 000 personnes, soit un électeur sur cinq. On connaît ces nombres car chaque bulletin présente le logo de son parti, ce qui facilite les statistiques. «Cela a été identique aux communales à Yverdon l'an dernier avec notre candidat Pascal Gafner», ajoute Kevin Grangier.
Pour Philippe Miauton, secrétaire général du PLR Vaud, le résultat de 2012 s'explique par une stratégie des socialistes et des Verts. «La tactique de la gauche était de rajouter systématiquement nos candidats pour les faire passer au premier tour. Cela a très bien fonctionné et j'imagine que la gauche conservera cette stratégie cette année.» Effectivement, près de 10% des 55 000 électeurs PS et Verts avaient aussi voté pour Pascal Broulis, Jacqueline de Quattro et Philippe Leuba.
Conséquence: Philippe Miauton parle de «légère diminution de la participation des électeurs PLR» au deuxième tour. «Il s'agissait d'électeurs qui, à mon avis, ne se sentaient pas concerné par une alliance avec l'UDC», ajoute-t-il.
Ce qui fait dire à un député UDC: «Pour garantir que l'électorat libéral-radical se mobilise pour nous, nous devons tracer de nos bulletins Broulis, de Quattro et Leuba, et les obliger à se présenter au deuxième tour. C'est le meilleur moyen pour aider notre candidat.»
Leuba inquiète la gauche
A gauche, aucun camp ne craint une démobilisation de ses alliés au deuxième tour. «Même si trois de nos quatre candidats étaient élus au premier tour, ce serait une première pour nous et cela créerait une dynamique importante, commente un élu socialiste. Les différences entre nous sont moins importantes qu'entre les divers partis de droite.»
L'inquiétude vient au contraire de Philippe Leuba. La gauche voit en lui celui qui pourrait peut-être trébucher au premier tour. «S'il est présent au deuxième tour, c'est dangereux pour nous, note un élu. Il est une vraie figure libérale, habituée des dossiers de l'asile et de l'économie, des thèmes chers à la droite. L'électorat sera très mobilisé pour sauver celui qu'il voit comme défenseur des entreprises, au détriment de nos candidats.»
Les risques du jeu tactique
Jouer stratégique est un pari risqué, pour plusieurs raisons. Il y a d'abord la possibilité de se voir dépasser par un adversaire. «Nous ne pouvons pas nous permettre d'amener Pascal Broulis à la première place, devant Pierre-Yves Maillard, note un élu de gauche. Cela créerait une mauvaise dynamique pour nous et renforcerait le poids de Pascal Broulis dans le gouvernement.»
En outre, si un parti se rend compte que son allié lui a joué la trignolette, il y aura un retour de manivelle au deuxième tour, voire lors d'une prochaine élection. «Dans le cadre d'une alliance, je doute que ce genre de message, qui n'est pas officiel, soit très apprécié, ajoute Philippe Miauton. Jouer ce jeu provoque davantage de dommages que de bénéfices.»
Idem à gauche: «Nous n'appellerons pas à voter pour un autre candidat que ceux de notre liste, explique le président des Verts, Alberto Mocchi. Notre but est de faire passer les quatre. Je ne me fais aucun souci pour la réélection de Béatrice Métraux. Mais comme toujours, certaines configurations sont meilleures que d'autres. Nous nous déplacerons pour voter au deuxième tour, quels que soient les candidats de gauche qui y seront présents.»
Le président des socialistes, Stéphane Montangero, est sur la même longueur d'onde: «Faire des stratégies est un jeu dangereux. L'enjeu est suffisamment important pour que la mobilisation soit entière aux deux tours. Nous faisons campagne dans l'optique où tous nos candidats ne seraient pas élus au premier tour.»
Comment brouiller les pistes
Pour éviter les représailles, brouiller les pistes n'est pas compliqué. Il suffit d'utiliser le bulletin d'un autre parti. Ou alors de glisser dans l'urne un bulletin «sans dénomination», c'est-à-dire sans étiquette de parti. Ces bulletins peuvent souvent faire la différence. Ainsi, un électeur sur cinq avait opté pour ce type de liste pour le premier tour de l'élection du Conseil d'Etat en 2012, sur un total de 164 000 bulletins valables.
Chacun des candidats finalement élus y avait réalisé entre un cinquième et un tiers de ses suffrages. La proportion était de 32% pour Pierre-Yves Maillard. L'UDC Claude-Alain Voiblet, distancé, n'y avait obtenu que 10% de ses électeurs. L'UDC espère que Jacques Nicolet y fera la différence cette année.
Attention toutefois, prévient un stratège de droite: «Les mathématiques électorales, c'est passionnant avant les élections. Et après les élections, en regardant les résultats, on explique pourquoi rien ne s'est passé comme prévu .»
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