Comment le FBI repère les pédophiles suisses
Un homme de 22 ans suspecté d'avoir piégé des enfants sur internet est sous enquête du Ministère public de l'Est vaudois. Récit d'une traque initiée outre-Atlantique grâce à une intense surveillance.

On lui reproche d'avoir incité deux jeunes garçons domiciliés en France à prendre le TGV pour venir chez lui. Il avoue à demi-mot avoir caressé, sur les habits, les fesses d'enfants de 4 à 5 ans que sa grand-mère gardait. Il est aussi suspecté d'avoir consulté et partagé des images pédopornographiques. Pire encore, d'avoir contacté des enfants sur Internet et de les avoir forcés à s'adonner en même temps que lui à des actes sexuels par caméra interposée. Cet homme de 22 ans est désormais sous enquête du Ministère public de l'Est vaudois. Il est tombé à cause d'un simple mail… repéré par le FBI.
Des robots américains à l'œuvre
Les enquêteurs américains ont en effet décelé que l'utilisateur de l'adresse e-mail X, soit le Vaudois, avait joint deux fichiers pédopornographiques lors d'un envoi. Selon nos informations, le mail en question était issu d'une messagerie basée à l'étranger. Aux Etats-Unis, «les providers, à savoir les fournisseurs d'accès Internet, comme les fournisseurs de messageries électroniques doivent légalement scanner les contenus pour éviter justement l'échange de matériel pédocriminel, explique Lulzana Musliu, porte-parole de l'Office fédéral de la police (fedpol). Cela se fait par algorithme grâce à une recherche par mots-clés ou par la signature électronique d'images pédophiles.»
Toute activité suspecte est ensuite signalée au National Center for Missing and Exploited Children, une organisation à but non lucratif qui est chargée d'analyser ce matériel. Lorsqu'un cas potentiel d'abus est décelé, le FBI (Federal Bureau of Investigation) prend alors le relais.
La police fédérale a donc reçu directement du FBI l'indication qu'un de ses concitoyens pourrait enfreindre la loi. «Nous avons examiné les informations et les avons transférées à la police cantonale, qui est compétente pour la poursuite pénale», précise Lulzana Musliu, de fedpol. Arnold Poot, chef de la division prévention criminalité de la police cantonale vaudoise et spécialiste des affaires de pédophilie, enchaîne: «Les Etats-Unis nous donnent une adresse IP (ndlr: le numéro d'identification attribué à un appareil connecté à Internet) et quelques renseignements comme le nom d'utilisateur, le nom du compte de messagerie et les images concernées. Fedpol demande, à Bluewin par exemple, à quel abonné cela correspond. Mais, attention, l'abonné peut être un hôtel ou il peut utiliser une fausse IP.» Et d'ajouter: le plus souvent, les informations transmises par le FBI sont des images repérées sur des espaces de stockage de type Google Plus ou des photos Facebook.
Un précieux outil permet de faciliter l'identification des victimes et des auteurs d'abus. Il s'agit de la base de données nommée International Child Sexual Exploitation Database (ICSE) et gérée par Interpol. Cette dernière contient des images et des vidéos provenant du monde entier et montrant des abus sexuels sur des enfants.
De Washington à Lausanne, un échange d'information rare? Avec son intense surveillance de la cybercriminalité, les Etats-Unis sont un très bon allié des Suisses et de bien d'autres pays. Chaque année, la police fédérale reçoit en moyenne 3000 indications du FBI qui concernent de la pédocriminalité et qui sont susceptibles de toucher une personne résidant en Suisse. «Rien que dans le canton de Vaud, nous avons environ un nouveau cas par semaine de pornographie enfantine. Et près d'un par mois a été signalé par le FBI», indique Arnold Poot. Le canton de Vaud fait ainsi partie des quatre cantons qui ont le plus de dossiers de ce type en Suisse, précise le commissaire. «Cela s'explique par le nombre d'habitants et par le nombre élevé d'accès Internet.»
La collaboration internationale policière ne s'arrête toutefois pas aux Etats-Unis. «Nous recevons aussi des informations d'Europol, enchaîne la porte-parole de fedpol. Nous collaborons sur des enquêtes et échangeons des connaissances, mais Europol ne fait pas de surveillance systématique comme le font les providersaux Etats-Unis.»
Les limites de la surveillance en Suisse
Concrètement, comment la Suisse peut traquer les pédophiles? Contrairement aux Etats-Unis, les polices suisses ou les fournisseurs d'accès à Internet ne peuvent pas demander à des robots de surveiller le contenu de tous nos mails ou nos échanges sur des réseaux sociaux.
«La police peut faire une enquête préliminaire sur tout ce qui est du domaine public, et regarder ainsi le contenu public d'un profil Facebook par exemple, explique Arnold Poot. Si on suspecte une personne ou qu'on nous signale que cette dernière transmet des images pédopornographiques à quelqu'un, on ne peut pas fouiller dans ses données sans autorisation.»
«En cas de danger de mort imminente d'un enfant, tout peut aller très vite»
L'ouverture d'une enquête contre un suspect change la donne. Le procureur demande alors à un tribunal l'autorisation d'effectuer une surveillance plus poussée. «Si nous devons surveiller un compte de messagerie suisse, de Bluewin par exemple, nous allons donc être aidés par le fournisseur d'accès», poursuit Arnold Poot. Cela se complique lorsque la personne a une adresse étrangère, comme Gmail. «Dans ce cas, la police peut mettre une surveillance sur le débit Internet de votre domicile. Comme une surveillance téléphonique, nous lisons donc en direct vos conversations sur Internet ou les fichiers que vous envoyez.» Mais pour fouiller tout l'historique d'une boîte mail ou d'un profil de réseau social, la police doit alors faire une commission rogatoire. «La procédure est longue, concède Arnold Poot. Reste qu'en cas de danger de mort imminente d'un enfant tout peut aller très vite.»
La collaboration internationale a payé dans le cas du Vaudois, sans antécédents judiciaires. Le jeune homme est sous enquête du Ministère public depuis août 2016. Les soupçons se sont renforcés en cours d'instruction. Il est toujours en detention préventive. Selon un arrêt du Tribunal cantonal qui rejette sa demande de libération, il nie avoir touché des enfants si ce n'est quelques caresses sur les fesses. Le jeune homme, qui «tend à relativiser la gravité de ses actes», écrivent les juges, a toutefois admis que son comportement n'était pas normal et a déclaré ce qui suit aux autorités: «Je savais que ce n'était pas légal. Je n'ai pas eu la force d'arrêter .»
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