Un été en toute fluiditéComment l’eau du lac de Bret fit circuler le Lausanne-Ouchy
En 1877, la Compagnie du Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret met en marche le funiculaire qui deviendra la ficelle, puis le M2.

Les premières réflexions remontent à 1856, tandis que le «produit fini» sera inauguré en grande pompe vingt et un ans plus tard, le 16 mars 1877 (24 heures du 18 juin 2012). Pour relier le bord du lac au centre-ville de Lausanne, l’industriel Jean-Jacques Mercier a relevé le défi de construire un funiculaire.
Nous sommes dans la période où la force motrice hydraulique connaît son essor, qui va permettre un développement économique important dans les villes de Suisse, comme l’indique Marc Frochaux, rédacteur en chef de la revue «Tracés» dans un article paru en 2017.
Mutations
En 1873, la Compagnie Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret obtient, au terme de débats importants à tous les échelons institutionnels, une concession qui lui permettra d’exploiter l’eau du lac pour produire l’énergie nécessaire à la traction du futur funiculaire. Le train deviendra plus tard la fameuse «Ficelle», qui se transformera, au XXIe siècle, en M2.
Le 25 février 1875, dans la Gazette de Lausanne, William Grenier, alors professeur de mécanique à l’École d’ingénieurs, décrit l’ampleur et l’origine des travaux de raccordement entre le lac et la capitale: «L’œuvre de la Compagnie, écrit-il, consiste à modifier en ce point celle de la nature, en perçant ces mamelons par un souterrain de 280 mètres, qui livrera passage à une partie des eaux du Grenet et les amènera dans le lac de Bret, dont le bassin n’est alimenté aujourd’hui que par les pluies et par quelques affluents insignifiants. C’est à M. l’ingénieur cantonal Gonin qu’est due l’idée d’utiliser ainsi le lac de Bret comme bassin de réception des eaux du Grenet et comme réservoir d’alimentation pour la ville de Lausanne.»
«Points de vue»
La conduite en ciment passera sous terre et son débit sera réglé par une vanne. Son diamètre sera juste suffisant «pour la circulation d’un homme accroupi, qui pourra y pénétrer par des regards placés tous les 500 mètres».
Elle côtoiera les Monts de Lavaux «avec une pente générale de ¼ pour cent» sur 14 à 15 kilomètres avant de rejoindre le futur réservoir de Chailly.
«Un réseau d’hommes pour créer un réseau de conduites.»
Un chemin de dévestiture de «troisième classe» contigu à l’aqueduc «sur une longueur de près d’une lieue» reliera Belmont à Grandvaux et offrira sur son parcours «plusieurs points de vue remarquables». Une conduite partira ensuite du réservoir pour descendre «jusqu’au local des turbines du chemin de fer».
Dans son article de la revue «Tracés», Marc Frochaux fait valoir que ce développement industriel «intimement lié à la morphologie du territoire et des villes» a permis la croissance: «Pour exploiter la force hydraulique, il faut […] associer investisseurs, ingénieurs et politiques: un réseau d’hommes pour créer un réseau de conduites, qui tissera des relations discrètes entre la topographie et la structure économique locale, la production artisanale et industrielle, certes, mais aussi le tourisme, qui fleurit dans toute la région lémanique.»
Pour l’auteur, ces progrès ont contribué à «façonner le «développement urbain», bien avant que le mot «urbanisme» n’ait été prononcé».
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