Je suis une vaccinée convaincue, mais opposée à l’extension du certificat Covid dans ses modalités actuelles. Pourquoi prendre la plume pour le dire alors que le sujet nous éreinte, nous fâche et nous divise? Parce que l’air que je respire dans la Berne fédérale est devenu saturé d’agressivité et que je crois que nous pouvons revenir à un débat modéré.
Je suis inquiète face au taux d’occupation des soins intensifs et à la fatigue du personnel hospitalier. Mais l’extension du pass Covid combinée avec la fin de la gratuité des tests, comme l’a décidé le Conseil fédéral, manque à mon sens de nuances. Elle est dénuée de «génie suisse». Je suis gênée pour les adolescents et les jeunes adultes en particulier. Imposer le certificat Covid dans les bibliothèques, les lieux de formation, pour des compétitions sportives, ça me paraît disproportionné. Il me semble qu’on a manqué de créativité pour les restaurants, les lieux de culture et de loisirs.
«Il nous appartient de lutter pour ne pas succomber aux sirènes les plus dangereuses.»
Voilà pour la forme. Mais l’outil du certificat Covid me heurte profondément sur le fond. Parce qu’il divise la population en bons et en mauvais citoyens. Il y a les bons vaccinés et les méchants autres. On les appelle les antivax. Or LES antivax n’existent pas. Il y a parmi eux une part de complotistes qui pourrissent la vie de tous. Mais il existe aussi plein de personnes avec des raisons très intimes de ne pas se faire vacciner.
Je pense qu’elles ont pour la plupart acquis leur conviction de manière éclairée. Une connaissance me racontait l’autre jour son allergie à un vaccin, enfant, et sa peur bleue de la piqûre aujourd’hui. Elle admet volontiers que le vaccin est le moyen le plus efficace et le moins cher pour sortir de la crise. Mais elle a pris ses responsabilités: elle préfère s’autoconfiner plutôt que de tendre le bras. Mérite-t-elle vraiment d’être traitée au mieux comme une idiote, au pire comme une complotiste?
Stigmatisations à rejeter
De l’autre côté, parmi les agitateurs d’un débat stérile, j’observe avec dégoût et peur le dévoiement du mot dictature. Je me souviens de ma rencontre avec la mère d’un jeune homme éliminé par la dictature militaire uruguayenne. Cela n’a rien à voir! Des anonymes se voient persécutés par des «nazis» qui seraient incarnés par les pouvoir et les médias. Ils écrivent à des consœurs et confrères qu’ils méritent d’être pendus, comme à Nuremberg. Cette stigmatisation doit être rejetée avec tout autant de vigueur. LES médias n’existent pas. LES politiciens non plus.
Les gens qui savent sont devenus un peu trop nombreux. Nous n’avons aucune obligation d’être d’accord. Mais à ce stade de la crise, douloureuse première pour ma génération d’enfants gâtés, nous devons continuer à vivre ensemble, comme société. Il nous appartient de lutter pour ne pas succomber aux sirènes les plus dangereuses, celles qui font qu’on ne lit que ce qui nous renforce. Et caresser ensemble le rêve du jour où le débat le plus chaud portera à nouveau sur un thème bien suisse. Vive les vaches à cornes.
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La rédaction – Contre le certificat Covid, pour les vaches à cornes
Il est temps de revenir à un débat modéré en matière de vaccination et de pass sanitaire.