Cosey au sommet à Angoulême
L'auteur vaudois remporte le Grand Prix du célèbre festival.
Enfant, il rêvait de se transformer en personnage de bande dessinée. Un de ces héros hauts en couleur dont il dévorait chaque semaine les exploits: Spirou, Gil Jourdan, Davy Crockett… Finalement, Bernard Cosendai, alias Cosey, est devenu auteur de BD. Avec quel succès! Ce mercredi, succédant à Hermann, le dessinateur vaudois de 66 ans a été sacré Grand Prix de la 44e édition du Festival international d'Angoulême. Au terme de deux tours de scrutin, l'ensemble des auteurs(e)s de la profession ont consacré le créateur de Jonathan, saluant l'«univers onirique, tourné notamment vers les pérégrinations et les cimes enneigées» de cet «observateur minutieux des grands espaces». On gagera que les jurés ont également plébiscité son souci de l'authenticité, traduit graphiquement dans ses planches par quantité de petits détails, objets collectés ou photographiés au cours de ses nombreux voyages.
«Je ne m'y attendais pas»
Content, Cosey? Bien sûr, mais surpris. Au bout du fil depuis Angoulême, il avoue qu'il ne s'attendait pas du tout à cette consécration: «Je sais que mon nom revenait régulièrement ces dernières années. Mais pour cette édition, j'étais convaincu que je n'avais aucune chance face à Manu Larcenet et Chris Ware, deux pointures que j'adore. Je suis impressionné de voir mon nom s'ajouter à la longue liste des Grand Prix, qui comprend quantité de gens prestigieux. Ce qui est touchant, c'est de savoir que ce sont les auteurs eux-mêmes qui m'ont choisi. Qu'aiment-ils dans mon œuvre? J'ai bien de la peine à le dire. Peut-être le fait que je n'ai pas suivi de mode. J'ai toujours voulu faire ma propre trace, en imaginant des albums pour le lecteur que je suis.»
Cosey au sommet? Rien d'étonnant. Depuis 1972, cet ancien élève de Derib signe des livres pleins de nuances, privilégiant les relations humaines à l'action pure. De nombreux auteurs, dont Manu Larcenet, n'ont jamais caché leur admiration pour ce conteur hors pair, tenant d'une ligne graphique aérienne.
Loin de son premier personnage, Paul Aroïd, créé dans 24 heures, Cosey va se révéler avec Jonathan, apparu en 1975 dans les pages du journal Tintin. Une sorte d'alter ego fantasmé, présenté initialement comme un ami disparu, dont l'auteur aurait continué l'histoire en dessins. Au début, Jonathan aura les traits de son géniteur. Même regard perçant, mêmes boucles noires, même sourire de sphinx. Un véritable sosie. Avec le temps, la ressemblance s'est estompée. Et Cosey a trouvé la formule idoine pour évoquer son double de papier: «Je suis son ombre, son côté sombre.»
Décidé à se réinventer
Evitant les recettes marketing et cherchant inlassablement à réaliser ce qu'il appelle «l'album parfait», Cosey va évoluer, privilégiant dès le somptueux diptyque A la recherche de Peter Pan(1984-85) des récits longs, affranchis du carcan de la série. Bien décidé à se réinventer dans des histoires aux accents personnels, il imagine Le voyage en Italie (1988), bouleversant chef-d'œuvre. Dans un autre registre, il signe le déconcertant Saïgon-Hanoï (1992), aux dialogues déconnectés des images, prix du scénario au Festival d'Angoulême. Tout récemment, en 2016, il a coiffé les oreilles de Mickey, s'emparant avec une délicieuse poésie de la célèbre souris dans Une mystérieuse mélodie.
Des post-it sur les murs
Consacré par ses pairs, Cosey reste modeste. Brillant dessinateur, l'homme s'avoue laborieux, «conscient de ses limites graphiques». Il assure avoir appris à les contourner pour parvenir à un résultat optimum. Sa méthode de travail n'a pas varié: dans son atelier, aux Diablerets, il placarde des post-it sur lesquels il inscrit un mot, un dialogue, une idée, une scène. Mouvante dans sa phase de recherche, son histoire avance au rythme des petits pense-bêtes qu'il déplace. «Les ordinateurs ne permettent pas cette souplesse et cette vue d'ensemble…»
Ses projets? Un one-shot exclusivement en noir et blanc à paraître en fin d'année chez Futuropolis. «Une histoire contemporaine, humaine comme je les aime. Elle se passe en Suisse». Et Jonathan? «Je pense que c'est fini. Il a fait son temps. Le 16e album, Celle qui fut, boucle en principe la boucle. Je n'y reviendrai pas. Sauf si je trouve une idée extraordinaire…»
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