Réforme des retraites adoptéeToute la France se tourne vers «l’après»
La très contestée réforme a été imposée suite à l’échec des deux motions de censure. Tous les bords politiques réagissent et les manifestants affluent vers les lieux de pouvoir.

L’Assemblée nationale a rejeté lundi la seconde motion de censure, déposée par les députés RN, ce qui entraîne l’adoption définitive par le Parlement du projet de réforme des retraites prévoyant un report de l’âge légal de 62 à 64 ans.
Après le rejet à 9 voix près d’une première motion transpartisane, celle de l’extrême droite n’a recueilli que 94 voix sur les 287 nécessaires. La gauche comme le groupe RN ont déjà annoncé des saisines du Conseil constitutionnel, qui devra se prononcer avant une promulgation du projet de réforme très contesté.
Cette première motion a recueilli 278 votes sur les 287 nécessaires. Les députés doivent désormais se prononcer sur une seconde motion, déposée par le groupe RN, qui n’a aucune chance d’être adoptée. La réforme des retraites sera alors considérée comme définitivement adoptée par le Parlement.
Marine Le Pen a estimé lundi qu’Élisabeth Borne «doit partir» ou «le président doit la démissionner» après le vote serré sur la motion de censure, rejetée à neuf voix près, «une sanction claire et du fond et de la forme du gouvernement», selon la leader d’extrême droite.
Manifestations spontanées
Poubelles renversées et brûlées, barricades, jets de projectiles sur les forces de l’ordre, fumigènes: l’adoption lundi de la réforme des retraites après le rejet de la motion de censure a provoqué de nombreuses manifestations émaillées d’incidents dans toute la France, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Peu avant 22h30, 101 personnes avaient été interpellées à Paris au cours de ces incidents, selon une source policière. Après le rejet de la motion de censure, quelques centaines de personnes, rejointes par des députés de la France Insoumise (LFI), se sont d’abord rassemblées, non loin de l’Assemblée nationale, Place Vauban (VIIe arrondissement), avant d’être canalisées par les forces de l’ordre.
Renversant sur leur passage trottinettes électriques et vélos, ou mettant le feu à des poubelles, les manifestants ne cherchaient pas la confrontation avec les forces de l’ordre, selon les journalistes de l’AFP sur place, mais plutôt à se livrer au jeu du chat et de la souris. Les forces de l’ordre ont utilisé à plusieurs reprises des gaz lacrymogènes.
Les mêmes scènes se sont reproduites dans plusieurs grandes villes de France, comme à Strasbourg, où un gros millier de manifestants se sont d’abord rassemblés place Kléber, en plein centre-ville, sifflant et huant le rejet de la motion de censure avant d’allumer des fumigènes et de scander «nous aussi on va passer en force». Certains manifestants ont ensuite commis des dégradations: façade de banque caillassée, poubelles incendiées, panneaux publicitaires brisés…
À Dijon, environ 200 personnes ont manifesté. La manifestation a été dispersée vers 21h00 et la police a procédé à deux interpellations. À Lyon, environ 500 manifestants, dont beaucoup de jeunes, se sont rassemblés vers 20h30 place Guichard dans le 3e arrondissement et s’en sont pris aux forces de l’ordre. Un premier bilan de la préfecture a fait état de deux interpellations, tout comme à Saint-Étienne.
Les manifestants étaient plusieurs centaines à Lille devant la préfecture, où ils ont sifflé et hué en apprenant le rejet de la motion de censure. «Ça va péter», ont-ils scandé, «Louis XVI on l’a décapité, Macron on va recommencer». À Nantes la manifestation, qui a débuté dans le calme vers 18h00, s’est tendue en milieu de soirée. Même tension à Rennes, déjà secouée par de violentes manifestations ces dernières semaines. D’autres rassemblements ont eu lieu à Bordeaux, Limoges, Poitiers, ou encore à Rouen ou Brest.
Référendum d’initiative partagée
Élisabeth Borne va saisir «directement le Conseil constitutionnel» pour un examen «dans les meilleurs délais» du texte de la réforme des retraites, a indiqué lundi soir Matignon après l’adoption du projet de loi. La première ministre souhaite ainsi que «tous les points soulevés au cours des débats puissent être examinés» a-t-on ajouté de même source, en référence à la contestation par certains parlementaires de la constitutionnalité de plusieurs mesures.
La gauche a notamment indiqué qu’elle souhaitait saisir le Conseil constitutionnel, contestant en particulier le fait que cette réforme puisse être menée par le biais d’un projet rectificatif du budget de la Sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel doit par ailleurs examiner la recevabilité d’une demande de référendum d’initiative partagée, initiée par la gauche pour contester le projet du gouvernement, et qui lui a été soumise lundi.
Quelque 250 parlementaires, députés et sénateurs principalement de gauche, l’ont déposée, alors que la réforme vient d’être adoptée au Parlement. Le Conseil doit en vérifier la recevabilité. Puis pourrait s’ouvrir le recueil des signatures citoyennes, afin de tenter d’atteindre un dixième des électeurs, soit 4,87 millions de signatures, dans un délai de neuf mois, pour ouvrir la voie à un référendum.
Borne va saisir le Conseil constitutionnel
Élisabeth Borne va saisir «directement le Conseil constitutionnel» pour un examen «dans les meilleurs délais» du texte de la réforme des retraites, a indiqué lundi soir Matignon après l’adoption du projet de loi.
La Première ministre souhaite ainsi que «tous les points soulevés au cours des débats puissent être examinés», a indiqué Matignon, en référence à la contestation par certains parlementaires de la constitutionnalité de certaines mesures.
Mélenchon et «la censure populaire»
«Le combat continu», ont assuré lundi les leaders de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon appelant à «passer à la censure populaire», «en tout lieu et en toutes circonstances», après le vote serré sur une des deux motions de censure, rejetée à neuf voix près.
Le leader de La France insoumise a dit former «le vœu d’une censure populaire» qui «s’exprime massivement, en tout lieu en toutes circonstances, et qu’elle nous permette d’obtenir le retrait du texte», lors d’un point presse près de l’Assemblée nationale.
Retirer la réforme
Le député LR Aurélien Pradié, qui a voté la motion de censure avec 18 autres députés de droite, a appelé lundi Emmanuel Macron à retirer cette «loi empoisonnée», tandis que le président du parti Éric Ciotti se félicitait de la «responsabilité» de sa famille politique.
«Notre famille politique, dans un esprit de cohérence, de responsabilité, a refusé de s’associer à un chaos inévitable si les motions de censure avaient été adoptées», a déclaré à des journalistes Éric Ciotti qui avait assuré la semaine dernière que son parti s’opposerait à toute motion de censure.
Borne «déterminée»
Élisabeth Borne s’est dite lundi soir «déterminée à continuer à porter les transformations nécessaires» au pays, après l’adoption par le Parlement de sa réforme très contestée des retraites.
«Je suis déterminée à continuer à porter les transformations nécessaires à notre pays avec mes ministres et à consacrer toute mon énergie à répondre aux attentes de nos concitoyens», a affirmé la Première ministre dans une déclaration à l’AFP, juste avant de se rendre à l’Élysée.
Emmanuel Macron recevra mardi soir les députés et sénateurs de la majorité, après avoir reçu le matin la Première ministre Élisabeth Borne et les chefs de la majorité, a annoncé lundi soir l’Élysée.
«Gouvernement d’ores et déjà mort»
Le gouvernement est «d’ores et déjà mort aux yeux des Français» après le vote rejetant à neuf voix près la motion de censure, a déclaré lundi la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
«Il n’aura donc manqué que neuf voix à cette motion de censure pour faire tomber ce gouvernement et sa réforme», a souligné l’insoumise, dans un point presse conjoint avec ses partenaires de la Nupes. «Neuf petites voix, rien n’est fini dans ce pays et nous continuerons jusqu’au bout», a-t-elle insisté.
«Déni de démocratie», «injustice»
Le député Charles de Courson (groupe Liot) a appelé lundi à la tribune de l’Assemblée au vote d’une motion de censure transpartisane pour s’opposer à un «déni de démocratie» et des «injustices», et rejeter ainsi la réforme des retraites.
«Chiche» à une dissolution
«Alors chiche, Monsieur Macron! Allons à la dissolution», a réclamé la députée d’extrême droite. Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement par le 49.3 pour faire adopter sans vote la très contestée réforme des retraites.
À l’issue du vote, 19 Républicains sur 60 ont voté en faveur de la première motion de censure transpartisane déposée par le groupe Liot. Pourtant, quelques minutes plus tôt, le président du groupe Olivier Marleix avait appelé les députés LR a voté contre ces motions.
«Pas l’invention d’un dictateur»
Élisabeth Borne a dénoncé lundi devant l’Assemblée nationale «l’antiparlementarisme à l’œuvre» des oppositions au Parlement et le «déchaînement de violence» de certains députés de gauche.
«Au cœur même du Parlement, nous avons vu l’antiparlementarisme à l’œuvre sous toutes ces facettes», a déclaré la Première ministre avant le vote des motions de censure déposées en réponse à son recours au 49.3, pour une adoption sans vote de la réforme des retraites.
«Le 49.3 n’est pas l’invention d’un dictateur, mais le choix profondément démocrate qu’a fait le général de Gaulle et qu’a approuvé le peuple français», a déclaré la Première ministre devant l’Assemblée nationale, avant le vote des motions de censure déposées en réponse à son recours au 49.3 sur la réforme des retraites.
AFP/MWE
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