Créer des jus pour inventer l'entreprise de demain
La Romande Sofia de Meyer, qui fut avocate à la City déploie avec Opaline une philosophie de vie plus qu'un business.

Avec sa jupe longue, son pull qu'on imagine en coton bio et équitable, ses ballerines et son visage au naturel, Sofia de Meyer pourrait passer pour une baba cool éthérée. La jeune quadra, qui a grandi à Villars, garde cependant ses pieds montagnards fermement fixés au sol. Son idéalisme s'incarne au quotidien. Un pas après l'autre, cette ancienne avocate spécialisée dans la finance développe avec Opaline sa vision de ce que peut être «l'économie régénératrice, pensée pour le bénéfice du plus grand nombre». Ses jus fabriqués en Valais valorisent des fruits et légumes achetés localement, pressés, puis proposés pour la vente à des petits commerces indépendants dans tout le pays. Quitte à réduire ses marges. Ou à demander un effort à ses collaborateurs: «Chez Opaline, nous sommes six. Tout le monde touche le même salaire. On le fixe ensemble pour permettre une rétribution équitable de tous nos partenaires.» Un «écosystème non hiérarchique» qui dope la motivation: «Il y a eu un seul congé maladie depuis la création de l'entreprise (ndlr: en 2011) .»
La fondatrice a aussi développé elle-même son réseau de distribution, dans l'arène impitoyable des «gros players». Elle l'admet: ça n'a jamais été facile. «Quand on vous dit qu'on vous paiera tant, et pas un sou de plus, il faut être solide pour vouloir malgré tout trouver une solution, expliquer, convaincre.» Sans agressivité surtout. L'expression «une main de fer dans un gant de velours» semble avoir été inventée pour cette communicatrice aux yeux pétillants et au sourire solaire. «Pour réussir, on n'a pas le choix. Il faut fédérer. Créer une entreprise, c'est facile. Le challenge, c'est la pérennité.» Sa connaissance du monde économique et sa capacité à négocier l'ont aidée à chaque étape.
Septième d'une fratrie de neuf, elle a fréquenté comme ses frères et sœurs le collège privé villardou de Beau Soleil, que dirigeaient ses parents. Un papa fribourgeois et une maman italo-chinoise. De quoi donner à Sofia des envies précoces d'ailleurs. A 12 ans, elle part étudier en Angleterre, puis y retourne pour sa formation supérieure. La jeune fille rêve de stylisme, la réponse paternelle tombe, catégorique: ce sera le droit ou la médecine. La voilà embarquée dans la première voie, puis engagée dans un grand cabinet londonien. Elle lorgne sur le droit environnemental, mais se trouve propulsée au département «fusions et acquisitions». Le prestige, l'adrénaline, les voyages et les horaires démesurés compris. Cette bosseuse se souvient d'avoir travaillé une fois du mardi au dimanche sans rentrer chez elle pour «conclure le deal». «Les jeunes mères tiraient leur lait et le faisaient porter par coursier chez elles à la nounou. Pour rester dans le coup, il fallait rester au bureau. Mais c'était une belle ambiance et de belles années.» Elle ne le nie pas, elle a aimé ces défis. Après sept ans pourtant, elle quitte tout. «Je voulais faire quelque chose plus en lien avec ma quête de sens et avec la nature.»
Des Whitepod aux jus de fruits
De retour en Suisse, elle imagine les Whitepod. D'abord à Villars puis aux Giettes, au-dessus de Monthey. Ces drôles d'igloos se voient sacrés par le Sunday Times comme «chambres les plus romantiques des Alpes». A la recherche de produits locaux pour les repas, elle peine à trouver son bonheur pour les jus de fruits. La graine d'Opaline est semée. Elle germera après la revente du concept des Whitepod, qui perdure dans une orientation plus luxueuse.
Elle mitonne d'abord ses jus dans la cuisine d'un mayen valaisan, puis développe l'entreprise avec celui qui deviendra son mari. Ces passionnés de sommets ont beaucoup grimpé en duo avant de travailler ensemble, et de devenir les parents d'Anselme, qui a aujourd'hui 5 ans: «C'était capital. En montagne, on ne peut pas mentir sur qui on est.» La famille vit dans un hameau du val d'Entremont, tandis que la production des jus se fait à Vétroz: «Si on me l'avait dit à l'époque où j'étais à Londres, je ne l'aurais pas cru», sourit l'entrepreneuse.
«Opaline, c'est plus que des jus, c'est une partie d'elle-même, sa manière de communiquer sa vision du monde»
Devenir mère l'a confortée dans ses aspirations: «Je souhaite avoir avec mon fils la même relation qu'avec tout ce que j'ai pu créer ou accompagner. Je l'élève dans des valeurs que je défends désormais au quotidien. Il n'y a pas de séparation entre ma vie et mon travail.» Ce que confirme Marion Colombani, amie de longue date avec qui elle a fait son stage d'avocate à Londres: «Opaline, c'est plus que des jus, c'est une partie d'elle-même, sa manière de communiquer sa vision du monde.»
La Fribourgeoise souhaite ainsi fédérer une véritable communauté, du paysan au consommateur responsable. «Elle fait partie des acteurs très engagés dans cette économie de la durabilité, et réalise quelque chose d'unique dans le dialogue qu'elle entretient avec tous les partenaires. Peu de PME y arrivent. Je fais d'ailleurs souvent appel à elle comme ambassadrice», observe Jonathan Normand, porteur du mouvement B Corp en Suisse, un label octroyé aux entreprises œuvrant pour le bien commun.
Passionnée, tenace aussi, Sofia de Meyer admet être perfectionniste, et sait qu'elle doit lâcher prise. Le yoga, la danse ou la méditation l'y aident, comme des rendez-vous réguliers pris avec elle-même. «Je remercie aussi les gens qui m'entourent de me soigner.» Tout comme elle tient absolument à exprimer sa gratitude – pas moins – à tous ceux qui l'ont soutenue dans sa démarche. «Car, dans le monde économique, on nage encore à contre-courant.» Or «mettre du sens dans les affaires», elle y croit plus que jamais.
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