Depuis 2019, les mobilisations des jeunes pour le climat ont porté une critique légitime des conséquences néfastes du progrès économique, en particulier quand il se confond avec une exploitation illimitée des ressources naturelles. Les grèves pour le climat bousculent nos représentations d’une évolution linéaire de la technologie et d’une croissance libérale de nos sociétés. Souvent associée à l’idée de décroissance, l’actuelle critique du progrès fait étrangement écho aux premières luttes contre le productivisme, apparues dans le sillage de la révolution industrielle dès le XVIIIe siècle déjà.
«Le recours à l’histoire permet de dépasser une vision naïve prônant le simple retour en arrière.»
Afin d’envisager un avenir commun sur la planète, il peut sembler abstrait de recourir à l’histoire… Et pourtant! Comme pour l’ensemble de la communauté scientifique, l’engagement de l’historien dans la cause environnementale ne saurait se camoufler sous une posture de neutralité apparente. Depuis de nombreuses années, les recherches historiques de Christophe Bonneuil, de Françoise d’Eaubonne, de Jean-Baptiste Fressoz, de Grégory Quenet, de François Walter et de tant d’autres focalisent sur la mémoire des résistances anciennes. Avec cette autre histoire en tête, il est possible de prendre conscience des défis qui nous attendent.
Comme le montre l’historien François Jarrige, l’actualité nous fait oublier combien la décroissance est une idée qui vient de loin. Tout au long des XIXe et XXe siècles, de nombreux courants de pensée contestent l’emprise de la technique sur l’humanité, la destruction des milieux naturels liée à l’exploitation des ressources naturelles comme les aliénations de la société de consommation.
Ces remises en cause des bienfaits supposés inéluctables du progrès se nourrissent des conditions de vie difficiles du monde ouvrier et paysan, autant que des impacts déshumanisants de la croissance sans fin de la technologie. C’est ainsi que l’histoire de la pensée économique reconnaît l’apport indéniable de Thomas Malthus, David Ricardo ou John Stuart Mill sur ces sujets.
Nourrir un projet démocratique
Face à l’urgence climatique aujourd’hui, il est impératif d’amorcer une réflexion qui s’appuie sur divers héritages idéologiques. Ce détour par le passé permet sans doute de nourrir un projet démocratique qui puisse esquiver les tentations autoritaires ou technocratiques.
L’absence de transition énergétique au cours des siècles, la conscience des destructions irréversibles de la planète ou la dimension normative du concept de «développement durable» résonnent avec nos préoccupations contemporaines. Le recours à l’histoire permet alors de dépasser une vision naïve prônant le simple retour en arrière. Enfin, ces réflexions constituent des éléments fondamentaux pour construire une alternative socialement et humainement viable pour le futur.
Pour aborder le débat entre ces deux réflexions historiques, nous vous invitons à participer au cours public «Le progrès est-il encore possible au XXIe siècle?» organisé par la Faculté des lettres de l’UNIL en collaboration avec la Conférence cantonale des chefs de file d’histoire des gymnases vaudois le lundi 30 janvier 2023 dès 18 h 30 à l’Aula du Palais de Rumine, à Lausanne.
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L’invité – Critiquer le progrès, une idée qui vient de loin
Dominique Dirlewanger relève que l’histoire permet aussi de prendre conscience des défis qui nous attendent.