Nuit des musées à LausanneDe l’art bien chambré
En parallèle à l’événement lausannois, les galeristes Fabienne Levy et Antoine Reszler ont invité une vingtaine de leurs confrères à faire œuvre commune dans un hôtel de la place.

Si les musées en sont les basiliques, le petit monde de l’art n’en a pas moins besoin d’alcôves, à savoir de galeries. C’est du moins la conviction bien tranchée de Fabienne Levy et Antoine Reszler, de Heinzer Reszler, galeristes lausannois qui profitent de la Nuit des musées lausannois pour lancer une initiative fédérant une vingtaine de collègues et d’éditeurs.
À l’enseigne d’En Suite, les marchands d’art s’installent pendant trois jours au 1er étage de l’hôtel Alpha Palmiers, transformant chacun une chambre de l’établissement en minishowroom.
«Nous avions envie d’organiser quelque chose à Lausanne, il fallait trouver des dates mais surtout un emplacement, détaillent-ils. La plupart des lieux que nous espérions étaient indisponibles, et c’est ainsi que s’est imposée l’idée de l’hôtel qui permettait de créer un événement pour pas cher, sans dépenser une fortune pour des spots. Il fallait que le galeriste ne s’en aille pas en pleurant s’il ne vendait rien…»
«Derrière le succès de chaque artiste, il y a d’abord le travail d’une galerie.»
Dans un milieu réputé très concurrentiel, la paire vise les synergies, une collaboration perçue comme seule façon de résister face à un marché de l’art toujours plus aspiré par le haut, c’est-à-dire du côté des très grosses structures internationales. «Derrière le succès de chaque artiste, il y a d’abord le travail d’une galerie», revendique Fabienne Levy, qui craint que les concentrations sur quelques acteurs surpuissants ne formatent le monde de l’art et n’étouffe son terreau. «Ce sont des logiques corporate qui déploient leurs département emerging arts.»
Quitte à venir se servir chez des galeristes établis en signant ensuite des contrats d’exclusivité sur certains artistes. «La circulation des artistes est par contre réjouissante et profite à tout le monde», complète Antoine Reszler.
La fraternité de l’art?
Rien n’assure le triomphe de la fraternité chez des marchands d’arts qui sont aussi nombreux à apparaître qu’à disparaître dans une course qui demeure très compétitive. Mais En Suite se veut une première déclaration d’intention visant une plus grande fluidité du circuit, et donc un pas en direction d’une forme de solidarité dynamique entre collègues œuvrant le plus souvent sur des segments différents, au cœur d’un marché intermédiaire, à l’écart des chemins platinés de la starification.
Si les conceptions peuvent différer – Antoine Reszler convient d’un art qui est aussi un produit de luxe et de niche, tandis que Fabienne Levy insiste sur les aspects d’investissement de ce commerce – la mise en commun des réseaux de chacun leur apparaît comme un vecteur indispensable.
Sans oublier les liens avec les acteurs institutionnels ou avec les grandes maisons de vente: la table ronde organisée dimanche 25 septembre (12 h 15) inclut Michael Kinzer, chef du Service de la culture de Lausanne, Nathalie Herschdorfer, nouvelle directrice de Photo Élysée, mais aussi Frank Lasry, directeur général d’Art Basel, et Françoise Adam, managing director Christie’s Genève.
La fondue de l’art
Mais En Suite vise aussi très directement le plaisir du public qui aura tout loisir de découvrir – gratuitement – des œuvres ingénieusement installées dans 20 chambres d’hôtel. «Pour cette première édition - nous en espérons évidemment une deuxième –, nous avons d’abord fait la part belle aux galeries de la région lausannoise avec par exemple Foreign Agent, Locus Solus ou Richterbuxtorf.»
Mais les Genevois, les Zurichois et même les Romains (avec un solo show d’Augustin Rebetez) rejoignent aussi la ronde. Les surprises ne devraient pas manquer mais, pour vous mettre l’eau à la bouche, on mentionnera la réinterprétation, plus inclusive, du caquelon à fondue par l’artiste Oz Oderbolz, servi par la jeune galerie Windhager von Kaenel sur une gamme forcément fromagère et odoriférante.

Dans un Alpha Palmiers qui s’était déjà transformé l’an dernier en Selfie Hotel, ouvrant ses chambres à tous les instagrameurs fans de literies et de salles de bains, la déambulation prend cette fois un tour plus artistique mais compte aussi beaucoup sur l’effet de communication de l’initiative En Suite sur les réseaux sociaux.
Sans se présenter comme une foire, l’événement vise-t-il tout de même la vente? «Comme on le dit parfois au golf, on n’est jamais à l’abri d’un bon coup», conclut sportivement Antoine Reszler.
Lausanne, Hôtel Alpha Palmiers, ve 23 (vernissage 18-20 h), sa 24 (11 h-minuit) et di 25 sept. (10 h-15 h; table ronde de 12 h 15 à 14 h). Entrée libre. www.en-suite.ch
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.