IndemnitésDes indépendants déchantent face aux allocations calculées par Berne
Un grand nombre de professionnels s'estiment lésés en raison de la manière dont sont déterminés les revenus.

C'était «le pire des timings» pour Vincent Hofer. Au début du printemps, ce photographe indépendant basé à Lutry enchaîne en général les photos de classe dans plusieurs établissements scolaires vaudois. Cette année, il aurait dû en immortaliser près de 250 entre Lutry, Pully, Morges et Cossonay, mais la pandémie de Covid-19 a tout ruiné. «C'est ce qui me fait vivre, puisque mon chiffre d'affaires potentiel se situe entre 85'000 et 89'000 francs. Mes quelques autres mandats, pour des mariages ou de l'architecture, sont secondaires», raconte-t-il.
«Application illégale»
Mi-mars, voyant venir la galère, Vincent Hofer «demande des attestations à tous les établissements pour verrouiller la situation». Comme beaucoup d'indépendants, il est ensuite rassuré quand le Conseil fédéral décide, le 16 avril, d'étendre le droit à l'allocation pour perte de gain (APG), à laquelle il pourra donc prétendre. Mais aujourd'hui le professionnel de l'image déchante. Un courrier de la Caisse cantonale vaudoise de compensation, reçu le 1er mai, lui indique qu'il a droit à 818 fr. 40 pour le mois d'avril, soit trente jours à 28 fr. 80 moins les cotisations AVS/AI/APG. Son cas n'est pas unique, si bien que la méthode de calcul utilisée par Berne commence à faire des remous. Dans une interpellation, les conseillers nationaux valaisans Philippe Nantermod (PLR) et Sidney Kamerzin (PDC) parlent d'«application illégale» de l'ordonnance du Conseil fédéral par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS).
L'ordonnance prévoit «que le montant de l'indemnité s'élève à 80% du revenu moyen de l'activité lucrative avant le début du droit à l'allocation». Dans le même temps, une circulaire de l'OFAS prévoit que «le calcul de l'allocation se base sur le revenu indiqué dans la décision de fixation des cotisations la plus récente pour l'année 2019. Le fait que cette décision soit provisoire ou définitive n'a pas d'importance.» «Ainsi, ce n'est pas la moyenne du revenu qui est prise en compte, mais le montant des acomptes. L'indépendant qui paie des acomptes faibles à l'AVS mais un décompte annuel élevé se trouve fortement pénalisé», écrivent les parlementaires. Ils demandent au Conseil fédéral de se déterminer sur ladite circulaire.
En Valais, l'Union des indépendants s'est fendue d'un communiqué et rapporte «une multitude de cas» dont certains pour lesquels «les allocations sont égales à 2 francs par jour». «Les caisses de compensation rejettent actuellement toutes les oppositions en se référant à la circulaire de l'OFAS, explique le secrétaire général Thomas Birbaum. Mais il y a des personnes qui sont devenues indépendantes il y a dix ans, qui ont déclaré un revenu provisoire quand elles se sont lancées. Ce revenu provisoire n'a jamais été réévalué pour être mis au même niveau que le revenu réel qu'elles déclarent chaque année dans leur déclaration d'impôt. Aujourd'hui, l'administration leur calcule une aide basée sur ce revenu provisoire et non pas sur le revenu réel, bien plus élevé. Elles sont profondément lésées.»
Rien de neuf, dit l'OFAS
L'OFAS répond que la méthode utilisée n'est pas nouvelle, puisqu'elle figure dans la loi fédérale sur les APG en cas de service et de maternité, à laquelle l'ordonnance du Conseil fédéral renvoie. «De plus, l'assuré est tenu d'adapter ses acomptes à sa situation actuelle en matière de revenu. Un revenu plus élevé doit être déclaré à la caisse de compensation pour que des acomptes plus élevés soient fixés en conséquence, souligne Harald Sohns, porte-parole de l'OFAS. Les caisses informent de cette obligation et ceux qui ne l'ont pas remplie peuvent aujourd'hui en subir les conséquences négatives.»
«On entend souvent que les indépendants aiment se plaindre, mais là c'est une décision fédérale qui fait couler mon modèle»
Les caisses ne peuvent pas «définir elles-mêmes un revenu supérieur tant que la déclaration fiscale définitive n'est pas établie», ajoute Harald Sohns. Un ajustement a posteriori est aussi exclu, de même qu'un traitement individualisé des demandes: «Le système mis en pratique permet le traitement rapide de dizaines de milliers de demandes et de verser les prestations le plus rapidement possible.»
«On entend souvent que les indépendants aiment se plaindre, mais là c'est une décision fédérale qui fait couler mon modèle. Je travaille vingt heures par jour à cette période pour qu'il tienne debout», soupire Vincent Hofer. Le photographe va recontacter les établissements scolaires, mais il sait qu'ils ont désormais «d'autres priorités».
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