Interview de Bastienne Joerchel«Des personnes précarisées vont s’endetter et appeler à l’aide»
Le Centre social protestant Vaud s’est mis en régime d’urgence durant le semi-confinement. Bilan intermédiaire avec sa directrice.

L’association d’entraide vaudoise s’est retrouvée ce printemps au front de la première vague d’infection au coronavirus. Pour mieux assumer les aides alimentaires et pécuniaires, elle s’est alliée avec Caritas-Vaud. À l’occasion de l’assemblée générale du CSP Vaud, la directrice, Bastienne Joerchel, revient sur la crise et évoque l’avenir proche.
Comment se porte le CSP Vaud après ces mois éprouvants?
Nous avons eu une période très intense durant le semi-confinement. Nous sommes parvenus à maintenir nos activités et à organiser des lignes téléphoniques d’urgence en un à deux jours. Avec Caritas Vaud, nous avons récolté plus d’un million de dons. Aujourd’hui, nous reprenons notre souffle. Mais non sans une certaine inquiétude.
Quelles populations ont fait le plus appel à vous?
Nous nous sommes très vite concentrés, avec Caritas, sur les personnes qui ont perdu leur emploi et n’ont pas accès à l’aide publique. Ce sont des personnes sans papiers qui ne demandent jamais d’aide alors qu’elles contribuent grandement à la société. Nous avons aussi aidé ceux qui avaient un petit emploi payé à l’heure. Ce pouvait être des étudiants ou de petits indépendants dans la construction, par exemple. Et puis, il y a aussi eu les gens de la casse moyenne inférieure qui n’ont pas accès à l’aide sociale.
Le fonds de soutien monté avec Caritas Vaud est-il aujourd’hui dépensé?
Oui, nous l’avons fermé fin juin et nous avons fini de traiter l’ensemble des demandes cet été. Désormais, nous ne distribuons plus de cash comme nous l’avons fait ce printemps dans l’urgence. Aujourd’hui, nous faisons de l’accompagnement, par exemple, auprès de ceux qui se retrouvent avec un budget serré après avoir vu leurs revenus diminuer de 20% avec les RHT. Nous les aidons à faire leur budget, à prévenir l’endettement et aussi à trouver les bonnes adresses pour les demandes d’aide.
Selon votre activité habituelle, en somme?
Le guichet ouvert tel que nous l’avons pratiqué était un peu contre-nature. Mais il nous a semblé que nous devions être là pendant ces trois mois. Nous n’étions pas toujours à l’aise avec ce type d’aide directe, en cash, accordée sur la base de simples récits, mais nous avons fait ce qu’il fallait pour soutenir une population en détresse et éviter les abus.
«Il nous a semblé que nous devions être là pendant ces trois mois»
La diversité des différentes aides privées et publiques a-t-elle été problématique?
Oui, il était difficile pour les gens de savoir où s’adresser. Cela a d’ailleurs été l’objectif de notre partenariat avec Caritas de rassembler les forces. Nous avons mis en place un dispositif commun qui a très bien marché. Cela nous a notamment permis de documenter cette crise dans le but d’en faire quelque chose. Nous lançons désormais une réflexion sur ces personnes qui ont passé entre les mailles du filet social.
Avez-vous des propositions?
Oui, nous avons des pistes. Il est trop tôt pour les publier, mais il en sera question lors de notre conférence de bilan sur la crise sociale due au virus, le 29 octobre prochain.
Quelle est aujourd’hui la situation financière du CSP Vaud?
Le CSP Vaud termine l’année 2019 correctement avec un léger déficit compensé par notre fonds de régulation. Pour 2020, on a de tout. Ce qui nous vient habituellement des paroisses est tombé en chute libre. Pour les revenus en provenance des Galetas, c’est un grand point d’interrogation, à ce stade. Ils ont fermé pendant deux mois et malgré une bonne reprise, nous avons encore peu de ramassages facturés. Mais nous avons bénéficié d’un élan de générosité pendant la crise et je remercie nos donateurs. La question sera de savoir si les dons reviendront à la période de Noël. La moitié de notre budget provient des dons, l’autre de l’État, par contrat de prestation. Ce qui m’inquiète surtout, c’est 2021.
Comment voyez-vous le proche avenir?
Nous sommes un peu en attente et plutôt inquiets… Durant cette période incertaine, des personnes précarisées vont s’endetter, puis viendront demander de l’aide. Notre objectif est de rester vraiment très attentifs à la situation.
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