Discrètement, l'opposition russe a élu son QG à Kiev
De plus en plus d'activistes opposés à la politique de Vladimir Poutine se réfugient dans la capitale ukrainienne.

«Nous ouvrons une ambassade alternative de la société civile russe en Ukraine.» Ce 13 avril, ils étaient quelques dizaines, journalistes, intellectuels et militants civiques, à inaugurer la «Maison de la Russie libre» à Kiev. Entre quelques photos, des discours enlevés et des toasts enthousiastes, l'événement était modeste. Il a néanmoins marqué un temps fort pour la communauté de quelque 2000 citoyens russes résidant en Ukraine. Dans un contexte de guerre hybride entre la Russie et l'Ukraine, ils sont pour la plupart des opposants en exil au régime de Vladimir Poutine.
«Les Russes qui vivent en Ukraine représentent un groupe crucial de réflexion et de soutien de l'opposition démocratique en Russie», explique Grigori Frolov, jeune cofondateur de la Maison de la Russie libre, et qui vit à Kiev depuis 2016. Dans un contexte de répressions politiques accrues en Russie, le rôle des exilés et de la diaspora comme acteurs de la contestation à Vladimir Poutine revêt une dimension très importante. Les Russes en Ukraine, forts d'une proximité géographique et culturelle, jouissent en outre de l'assise conférée par la Révolution de la Dignité à Kiev, à l'hiver 2014.
Des leçons à tirer
«Nous ne sommes pourtant pas naïfs. Malgré les espoirs soulevés en 2014, nous avons bien compris que le Maïdan n'a pas abouti», analyse Olga Kurnosova, ancienne collaboratrice de l'opposant assassiné Boris Nemtsov. «Mais il reste admirable que les Ukrainiens se soient débarrassés d'un régime corrompu et autoritaire. Nous avons beaucoup à apprendre.»
Pour cette militante démocrate de longue date, les leçons à tirer sont claires: un éventuel renversement du régime en Russie ne débouchera sur rien sans des changements structurels. Tout en discutant, Olga Kurnosova suit avec attention une manifestation de l'opposition unie à Moscou depuis son smartphone. Elle n'a plus qu'un contact virtuel avec les protestations anti-Poutine depuis octobre 2014, quand elle a fui la Russie dans un train de nuit.
Sécurité précaire
Pour autant, le refuge kiévien de ces opposants reste précaire. Iliya Ponomarev, le seul député de la Douma russe à ne pas avoir voté pour l'annexion de la Crimée en 2014, est en Ukraine depuis 2015. Il a récemment été affublé de deux gardes du corps, après l'assassinat, le 23 mars, de l'ancien député russe Denis Voronenkov en plein centre de Kiev. L'homme aurait été puni pour avoir fait défection au Kremlin. Son meurtre en a glacé plus d'un. «Je n'ai pas particulièrement peur pour ma vie, se conforte Iliya Ponomarev. Mais le message est clair. Moscou a peur de l'opposition venue de Kiev.»
Pour autant, difficile d'articuler un message cohérent, et efficace, depuis Kiev. En raison d'un manque de moyens, mais aussi de coordination. «C'est aussi à cela que la Maison de la Russie libre doit s'atteler», commente Grigori Frolov. A travers une association préexistante, EmigRussia, son équipe apporte assistance et conseil aux émigrés nouveaux venus, notamment au niveau administratif.
De fait, l'Ukraine est une des destinations naturelles pour un citoyen russe obligé de quitter son pays. Hormis la proximité géographique, culturelle et linguistique, l'Ukraine ne requiert pas de visas pour les entrées et séjours de citoyens russes. «Une fois sur place néanmoins, ils s'aperçoivent que la situation n'est pas si simple que ça», explique la journaliste Ekaterina Sergatskova, en Ukraine depuis neuf ans. «Ils rencontrent beaucoup de problèmes avec les services de l'immigration, la police, l'administration en général…»
Hormis un soutien de façade à l'opposition russe, le gouvernement de Kiev ne leur fournit ni aide financière ni logistique. En janvier 2017, l'interdiction de la chaîne d'opposition russe Dojd en Ukraine, au motif de la lutte antipropagande, a au contraire été reçue comme une douche froide par les exilés russes. Dans le contexte de guerre, les partisans ukrainiens d'une rupture définitive avec la Russie et les Russes se font très actifs. L'inauguration de la Maison de la Russie libre, d'ailleurs, a dû être organisée dans le secret, à la suite de menaces de groupes nationalistes ukrainiens. Pour autant, Grigori Frolov reste confiant: «Malgré les circonstances actuelles, je veux croire que nous avons un futur à bâtir ensemble.»
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