Pour combler les enfants, impatients de déballer leurs cadeaux de Noël, direction le magasin de jouets. Dans les rayons, la couleur de la dichotomie des sexes est annoncée. «C’est pour une fille? C’est par là», indiquent souvent les vendeurs. Le rose et les paillettes sautent aux yeux. Poupées, princesses et sirènes mènent le bal de la quête de la beauté. «C’est pour un garçon?» Rendez-vous au rayon des superhéros, que la vitesse et la force soient avec vous. Ici, le vert, le noir, l’argenté dominent.
Cette séparation des sexes poussée à son paroxysme me replonge dans l’époque où je rédigeais ma liste de souhaits à l’attention du Père Noël. Gâtée, il y a toutefois une chose que j’ai désirée pendant au moins quatre Noël et que je n’ai jamais reçue: une voiture télécommandée. Rouge, qui aille vite, que je pourrais emmener partout.
«Je ne peux en vouloir qu’à moi-même si je n’ai jamais eu de belle voiturette. Car je n’ai jamais osé exprimer ce souhait.»
À la place, j’ai reçu des dînettes et une panoplie de Barbie que j’ai adorée. Je ne peux en vouloir qu’à moi-même si j’ai été privée de belle voiturette. Car je n’ai jamais osé exprimer ce souhait. Et le Père Noël n’a pas entendu mes pensées. J’aurais peut-être essayé si j’avais eu un frère de mon âge. Selon l’Étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), qui suit des enfants depuis leur naissance en 2011 jusqu’à leurs 20 ans, une fillette qui a un frère a deux fois plus de chances de s’amuser avec ce jeu.
De mon côté, j’ai eu le plus beau des cadeaux à l’adolescence: un frère et une sœur, juste avant Noël. Alors qu’ils savaient à peine parler, je les regardais, absorbés par les pubs de chaînes de dessins animés. «Pour toi!» «Pour moi!» criaient-ils. Nul besoin de maîtriser la langue pour comprendre ce qui est destiné aux filles ou aux garçons grâce à l’imaginaire crée autour des sexes.
Le problème, c’est que cet imaginaire intériorisé est étriqué. Il renvoie au fait que les filles jouent calmement en intérieur, sans prendre trop de place. Qu’elles seront destinées à toujours prendre soin des autres, comme elles le font avec leur poupée. Qu’elles doivent absolument être belles, comme leur Barbie au corps inaccessible. Que la taxe rose existe.
Quant aux garçons, ils devraient être toujours dans l’action ou se tourner vers la science avec leurs dinosaures et leur navette spatiale. Ce monde sans limite où la force est reine est fait pour eux. Gare à ceux qui toucheraient aux Barbie au risque de se faire «traiter de fille».
Depuis mon enfance, les choses ont un peu changé. On se rend compte que les jeux genrés contribuent à la reproduction des inégalités. Certains, qui séparent grossièrement les filles des garçons, font polémique. L’Espagne a même interdit depuis le 1er décembre les stéréotypes sexistes dans les publicités pour jouets. La Suisse suivra-t-elle ce mouvement? Quant à mon histoire de voiturette, j’ai compris qu’il fallait que j’en veuille aussi un peu à la société qui, j’espère, montrera un jour aux enfants que le monde n’est pas si étroit.
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La rédaction – Doit-on en finir avec les jouets genrés?
À l’approche de Noël, l’heure est aux cadeaux pour les enfants. Pour orienter nos choix, les magasins se basent encore et toujours sur le sexe.