Sorties cinéma«En même temps», «Swan Song»: quels films aller voir cette semaine?
Kervern/Delépine brocardent la politique française, un documentaire parle d’autisme, une jeune kosovare dresse un fabuleux portrait de femme et Udo Kier trouve le rôle de sa vie. Cela en fait des choses à voir.
«Swan Song», perruque pailletée

Il se sait condamné, mais souhaite pour la dernière fois coiffer les cheveux d’une de ses plus fidèles clientes. Film d’adieux, «Swan Song» additionne de tonalités queer un mélodrame formant le portrait en creux d’une Amérique de carton et de maquillages fanés. Le grand Udo Kier, pour une fois en tête d’affiche et non réduit à l’un de ces rôles de faire-valoir dans lesquels les cinéastes l’ont toujours cantonné, donne tout dans une performance qu’on sent proche de ce qu’il est en réalité.
L’autodérision, le cynisme devenu vecteur du regard, l’outrance contrôlée, la vacuité érigée en art, sont parmi les caractéristiques de son personnage de coiffeur pas trop efféminé mais avide de reconnaissance, adorateur d’icônes jaunies, parmi lesquelles le fantôme de Linda Evans, incroyable apparition au cours de son voyage. L’actrice, ex-star du soap «Dynasty», vestige des années 80, sort enfin de sa réserve, dévoile son visage actuel, dans ce qui est la séquence la plus surprenante de ce film de Todd Stephens, cinéaste abonné aux comédies gays.
Note: ***
«En même temps», votez Kervern et Delépine

Un maire de droite tente de convaincre son opposant écologiste de voter la création d’un parc de loisirs à thématique «green» en détruisant une forêt. Dans un bar mal famé où le politicien voulait soûler son collègue, le faux jeton se retrouve soudain soudé à son adversaire tout naïf aux mines de Droopy, quand une éco-guerrière leur passe une couche de glu industrielle sous la ceinture. La «colle-girl» veut révolutionner ce monde sexiste, machiste, pourri, avant de concevoir quelques remords. Pendant ce temps-là, les frères ennemis se traînent jusqu’au bout de la nuit, accumulant les rencontres burlesques pour échapper à leur sort.
Grâce au duo métamorphosé de Jonathan Cohen – Vincent Macaigne, les saynètes s’enchaînent avec l’énergie du désespoir, les jeux de mots avec une belle évidence. Mais cette version tarte à la crème d’«En attendant Godot» (et de Godin l’entarteur) flotte un peu. La situation s’épuise, comme si les uns, les unes et les autres se rendaient compte du cul-de-sac où les emmenait leur farce. Tant pis. Sans le punch crâneur du «Grand soir» ou de «Louise Michel», autres fables politiques du gang, Delépine et Kervern s’amusent assez pour embarquer dans leurs délires en victimes consentantes.
Note: **
«The Reason I Jump», l’autisme en question

Ils se prénomment Amrit, Joss, Jestina, Ben ou Emma et ont tous en commun d’être des adolescents atteints d’autisme non verbal. Basé sur un livre de Naoki Higashida, ce film alterne leurs portraits. En montrant une nouvelle manière d’aborder, d’appréhender l’autisme, l’auteur permet surtout une meilleure familiarisation avec cette maladie. Documentariste britannique, Jerry Rothwell s’est immergé en les filmant, essayant de montrer le monde à leur niveau, c’est-à-dire en tenant compte de leur impossibilité à l’exprimer verbalement, mais en dévoilant comment l’utilisation d’un clavier relié à un écran leur donne le loisir de «parler».
C’est beau et fascinant. Partout où il passe, ce film secoue le public. Tout a commencé en 2020 à Sundance, où il a remporté le prix du public, avant de conquérir des dizaines d’autres festivals. En Amérique du Sud, il est visible en streaming sur Disney+. Ce film phénomène possède par ailleurs son compte Twitter. À ne pas rater en salles.
Note: ***
«Hive», détermination féminine

On s’en souvient peut-être, ce film avait marqué le festival de Sundance en 2021, au point d’y rafler trois prix importants et d’être même pressenti pour représenter le Kosovo aux Oscars. Coproduction entre le Kosovo, la Suisse (via la société Alva Film de Genève), l’Albanie et la Macédoine du Nord, «Hive», réalisé par la Kosovare Blerta Basholli, dresse le portrait pugnace et acéré d’une femme obligée de subvenir aux besoins de sa famille alors que son mari a disparu depuis la guerre au Kosovo.
Elle s’appelle Fahrije et dans le village où elle vit, elle est la victime de quolibets et de critiques qui l’obligent à adopter une attitude très déterminée. La cinéaste dénonce le rigorisme réactionnaire d’une société patriarcale qui fait froid dans le dos. Son actrice Yllka Gashi épouse complètement son discours et incarne à merveille ce combat.
Note: ***
«Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon Dieu?», on rit (ou pas)

Le public qui va voir Christian Clavier attend que celui-ci fasse du Clavier. Pour la troisième fois, le voici endossant le personnage de Claude Verneuil. Après «Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?» «Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu?» voici «Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon Dieu?» avec la même équipe, devant comme derrière la caméra. Les quatre filles du couple Clavier/Lauby sont mariées, les gendres enfin admis par le beau-père raciste et intolérant, il était donc temps que les belles-familles débarquent.
Quelques gags font mouche – la belle-mère japonaise un peu trop portée sur le vin français –, mais globalement, l’affaire sent le réchauffé, et l’ensemble est par moments laborieux et peu dynamique. Nullement destiné à des publics trop exigeants, le film est à son tour programmé pour cartonner. Mais l’application de recettes peut-elle encore faire recette? Telle est toute la question qui se pose face à un divertissement aux relents poujadistes.
Note: °
«Dynamic Wisdom», collectif autogéré

Vingt-cinq migrants nigérians cohabitent en Suisse dans une petite maison abandonnée, au sein d’un collectif autogéré qui donne son titre à ce film d’Elise Shubs, «Dynamic Wisdom». Tous se serrent les coudes afin de ne plus jamais devoir retourner dormir dehors. Mais jusqu’à quand? Une histoire à cheval entre espoir et désespoir.
Le gros problème, c’est que ce contexte n’apparaît pas lorsqu’on visionne le film, à mi-chemin il est vrai entre documentaire et expérimental, et que dans cette optique, on finit par n’éprouver aucune empathie, si tant est qu’il faille en avoir une, pour les personnages qui apparaissent à l’image. Le film a été produit par Casa Azul, association qui regroupe divers cinéastes, dont Fabrice Aragno, proche collaborateur de Godard.
Note: *
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