Entre ciel et steppe, le Kazakhstan joue les contrastes
Riche de son pétrole qui jaillit à l'ouest, le plus grand pays d'Asie centrale se développe à toute vitesse. Et se cherche une identité. Impressions de voyage.
Vous aimez le dépaysement dans l'espace et dans le temps? La route de la soie et les cavaliers nomades vous font rêver? Le passé communiste et ses séquelles vous fascinent, tout comme le dynamisme, parfois démesuré, de ces peuples pressés de rattraper le temps perdu? Alors le Kazakhstan est fait pour vous. À huit heures d'avion d'ici, la plus grande des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale (66 fois la Suisse!) s'ouvre lentement au tourisme. Avec quelques bons arguments, comme nous avons pu le vérifier lors d'un récent voyage organisé par la compagnie nationale Kazakh Tourism et qui nous a conduits d'Almaty, dans le Sud, à Astana, la nouvelle capitale posée au milieu de l'immense steppe du Nord-Est. Carnet de route.
Le musée incontournable
Si elle n'est plus la capitale politique du pays depuis vingt ans, Almaty est sans conteste restée sa capitale culturelle, avec ses nombreux théâtres, salles de concert et musées. S'il fallait ne citer qu'une adresse, c'est sans hésiter celle du Musée d'État des arts Abilkhan Kasteyev que l'on recommanderait. Dans un bâtiment de béton et de verre des années 70 rappelant la yourte traditionnelle, on découvre d'abord de superbes spécimens de l'artisanat kazakh (bijoux, vêtements, tapis, selles et brides, etc.). Mais c'est au premier étage que l'on est littéralement subjugué par une extraordinaire collection de tableaux, dont émergent quelques exemples de l'avant-garde et du réalisme soviétiques. À ne manquer sous aucun prétexte.
Le monument et le goulag
Comme on est dans une ex-république soviétique, on ne peut échapper à la mémoire de cette période. C'est ainsi que le très beau parc Panfilov, en plein centre d'Almaty, accueille le spectaculaire monument à la gloire de 28 soldats du général du même nom qui sacrifièrent leur vie pour défendre Moscou en 1942. Fait Héros de l'Union soviétique à titre posthume, le camarade général Ivan Vasilyevich Panfilov fut aussi officier dans les troupes qui, dans les années 20, menèrent la répression contre la révolte qui éclata en Asie centrale contre le pouvoir rouge. Un pouvoir sans pitié qui, sous Staline, établit l'un des plus grands camps de rééducation du goulag, au sud de Karaganda. Aujourd'hui, le Karlag (pour Karaganda Lager) est ouvert au public. Et ceux que cette sinistre période intéresse feront un détour par le Musée d'histoire et de la répression, ouvert en 2003 à Almaty. Sur ordre du président Nazarbaïev…
La patinoire, la jeunesse et le DJ
Sur les hauteurs d'Almaty, la route qui mène à la station de ski huppée de Shymbulak, passe près de la patinoire d'altitude de Medeo. À l'époque soviétique, ces installations situées à 1691 mètres au-dessus de la mer ont permis à de nombreux patineurs de vitesse d'aligner les records. Cependant, en cette fin de journée de juin, point de glace dans l'ovale, mais l'imposant matériel du DJ américano-japonais Steve Aoki, attendu en soirée. À voir la foule des jeunes filles hypermaquillées et «lookées» se presser plusieurs heures avant le concert, on se dit que la globalisation a aussi atteint le pied des monts Célestes, l'imposante chaîne de montagnes qui tient lieu de frontière avec le Kirghizistan voisin et file là-bas à l'est, vers la Chine.
Les langues et l'alphabet cyrillique
Qui veut voyager au Kazakhstan a intérêt à apprendre l'alphabet cyrillique ou à se munir de l'application Google Translate. Car, à part quelques panneaux de signalisation sur les grandes routes qui, à côté de ceux écrits en kazakh et en russe, indiquent, les noms de vos destinations en caractère latin, tout est écrit en cyrillique. Cela devrait changer en 2025 quand, comme l'a décidé le président Nazarbaïev – le kazakh adoptera notre alphabet. La question des langues et de leur transcription est loin d'être anodine dans ce pays qui compte 130 ethnies (pardon, «nationalités», ainsi qu'on continue à le dire «à la soviétique»). Si le kazakh, langue officielle, est parlé par 64% de la population, soit grosso modo la part de l'ethnie du même nom, le russe, l'ancienne langue «unique» de l'URSS, est la langue véhiculaire de 95% des habitants, alors que la «nationalité» russe ne représente plus qu'un peu plus de 20% des Kazakhstanais. Si, officiellement, l'adoption de l'alphabet latin est motivée par des raisons pratiques (communications plus faciles avec l'étranger, sur Internet, dans les affaires, le tourisme, etc.), il faut évidemment y voir aussi une manière d'affirmer l'identité kazakhe face à l'ex-puissance coloniale russo-soviétique.
Les témoins de Jéhovah du canyon
Enfin il apparaît. Là, au bout de la piste. Immense entaille ocre dans la steppe. Le canyon de Charyn, à trois heures de voiture à l'est d'Almaty, est un passage obligé pour les amoureux des paysages sortant de l'ordinaire. Aussi appelé «vallée des Châteaux» pour ses extraordinaires concrétions en forme de tours, ou «petit Grand Canyon», en référence à son modèle nord-américain, il s'est formé il y a 12 millions d'années. Il faut une quarantaine de minutes pour descendre la gorge et être bloqué par la rivière Charyn. C'est là en attendant à l'abri que la pluie cesse que nous engageons la discussion avec un groupe de randonneurs fort joyeux. Dans un anglais plus que correct, Alexandr nous dit qu'ils sont des témoins de Jéhovah d'Almaty. Et nous assure que oui, dans le Kazakhstan d'aujourd'hui – musulman à près de 70% – la liberté religieuse est totale, contrairement à l'époque soviétique. «Pour autant qu'on ne fasse pas de prosélytisme.»
Dubaï au milieu de la steppe
Quand l'avion en provenance d'Almaty, 1200 km plus au sud, amorce sa descente vers Astana, il faut se pincer pour y croire. Là en bas, au milieu de l'immensité plate de la steppe, une sorte de Dubaï apparaît: gratte-ciel flambant neufs, tours en construction, avenues tirées au cordeau. Bienvenue dans la capitale (Astana veut dire «capitale» en kazakh). Le 6 juillet prochain, le président célébrera ses 78 ans et les 20 ans de cette «futuropolis» qui a supplanté la sudiste Almaty. En deux décennies, on n'a pas chômé ici! Du palais présidentiel, sorte de Maison-Blanche coiffée d'un dôme bleu, au quartier gouvernemental, en passant par la yourte géante Khan Shatyr – l'une des trois réalisations «astaniennes» du Britannique Norman Foster – l'opéra, la grande mosquée, la cathédrale orthodoxe, les business centers et autres tours d'habitation, tout est neuf. Souvent un peu trop clinquant, mais parfois d'une grande beauté. Régal assuré pour les étudiants en architecture.
Le Baiterek et la main du président
On fait rarement la queue à Astana. Sauf pour faire un vœu en glissant sa main dans celle du président. Ou plutôt dans l'empreinte de son auguste dextre, coulée dans un bloc de métal doré. Cela se passe à plus de 90 mètres de haut, dans la sphère du Baiterek, La construction symbole de la capitale, passage obligé pour tout bon citoyen et point de vue exceptionnel sur la nouvelle ville. Dessinée par le président lui-même, cette tour culmine à 97 mètres, allusion à 1997, l'année au cours de laquelle ce même Nazarbaïev décida de transférer la capitale ici, dans la steppe ventée du Nord. Il faut dire que celui qui fut le dernier No 1 du Kazakhstan soviétique, a, depuis l'indépendance en 1991, été constamment réélu. Gérant et transformant son pays d'une main de fer. En rien dorée, celle-là...
Le poids des noms
Avant de s'appeler Astana et de faire pousser ses gratte-ciel sur la rive sud de la rivière Ichim, la capitale s'est d'abord appelée Akmola (la «tombe blanche»), à sa fondation lors de la conquête russe en 1830. Forteresse cosaque, elle devait contrôler la route des caravanes. Quand, dans les années 60, Khrouchtchev lance sa Campagne des Terres vierges (la mise en culture de la steppe à grande échelle), elle prend le nom de Tselinograd («ville des terres vierges»). Témoins de cette époque: les nombreux Krouchtchovka (ces immeubles de 4 à 6 étages typiques des années du successeur de Staline) visibles dans les quartiers Nord. À l'indépendance, la ville reprendra son nom d'Akmola, avant que le président Nazarbaïev ne renonce à cette appellation qui rappelait sans doute trop les températures polaires de l'hiver (-40) et le vent qui balaie en permanence la steppe.
Ce cheval qu'on monte et qu'on mange
Sans lui rien n'aurait été possible, ni les invasions mongoles, ni les caravanes, ni la conquête russe. Vif et résistant – il passe les hivers dehors – le cheval est omniprésent au Kazakhstan. D'ailleurs, selon certains historiens, c'est dans les steppes kazakhes que l'homme aurait domestiqué sa plus noble conquête, il y a 3500 ans. Mais si l'on a toujours adoré le monter, on aime aussi le manger. D'ailleurs, avec le mouton et le bœuf, il est un des mets favoris des très gros mangeurs de viande que sont les Kazakhs. On dit qu'avant la sédentarisation, l'alimentation des nomades était constituée à 90% de viande.
L'héritage et la Chine
Quelques jours ne suffisent évidemment pas à découvrir un pays. Mais ceux passés au Kazakhstan nous ont permis, de découvrir un peuple jeune, chaleureux et très dynamique. Si l'héritage soviet est parfois lourd (le site des essais nucléaires de Semipalatinsk toujours très irradié, la mer d'Aral asséchée) ou prestigieux (le cosmodrome de Baïkonour), on sent que l'avenir se jouera avec la grande voisine de l'est. Cette Chine dont le grand projet de nouvelles route de la soie passe par le Kazakhstan et préfigure le monde de demain.
Ce voyage n'aurait pas été possible sans le soutien d'Ukraine International Airlines qui a offert les vols Genève- Kiev-Almaty et Astana-Kiev-Genève.
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