Il est piquant de voir que l’eau qui avait réuni Vevey et Nestlé il y a un siècle et demi devient un objet de tension entre la Ville et la multinationale. La Ville d’image accueille la conférence d’un opposant à Nestlé Waters dans le saint des saints, la salle du Conseil communal. Un événement coorganisé par le parti du syndic.
Faut-il voir surgir là un désamour? Non, la cité n’oublie pas qu’elle doit en grande partie sa vitalité économique, sociale et culturelle à la firme, laquelle avait trouvé à Vevey l’endroit idoine pour développer ses activités, avec la présence, au XIXe siècle déjà, d’une petite industrie agroalimentaire et de l’eau (de la Veveyse) lui permettant de faire tourner ses machines. Et que 10 à 15% de ses recettes fiscales sont versées par Nestlé.
«Ce désamour existe depuis plusieurs décennies, nourri un jour par la lutte anticapitaliste et le lendemain par les mouvements écologistes.»
Le mal est plus profond: ce désamour existe depuis plusieurs décennies, nourri un jour par la lutte anticapitaliste et le lendemain par les mouvements écologistes. Aujourd’hui, à l’échelon local, on se soucie davantage de la manière dont la multinationale fait fructifier son argent. Mais cela fait longtemps que les employés de Nestlé sont surnommés les «Nescafards».
Les habitants les ont affublés de cette dénomination notamment en raison de leur salaire supérieur à la moyenne leur permettant notamment de s’offrir des logements dans lesquels ils ne pourraient jamais habiter. Cela se dit rarement tout haut. De peur, peut-être, de tout perdre un jour.
Les dirigeants de Nestlé, eux, n’ont jamais été dupes, relevant régulièrement que leur entreprise est mieux perçue en Suisse – le pays où elle crée le plus de valeur ajoutée – que dans son berceau, où elle est considérée comme une entité froide, distante et opaque. Dans ce mariage de raison, les deux parties ont pris l’habitude, tour à tour, de se racheter ponctuellement une bonne conscience.
Ce n’est pas la première fois que Nestlé est épinglée à Vevey pour son commerce de l’eau. En 2012, Cinérive avait accueilli dans son grand cinéma le réalisateur du documentaire «Bottled Life», qui défrayait la chronique. Mais ce n’était pas dans la salle du Conseil communal. Faut-il voir là une simple maladresse de la nouvelle Municipalité? Aurait-elle aussi autorisé la venue d’Éric Zemmour?
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Éditorial – Entre Vevey et Nestlé, le malaise est profond