«Vous n’allez pas sacrifier votre président pour des oignons ou des pommes de terre!» Recep Tayyip Erdogan ne s’était pas trompé, le 4 mai dernier, lorsqu’il avait tourné en dérision le slogan de l’opposition - «Pomme de terre, oignon, au revoir Erdogan» -, référence à l’envolée des prix des légumes, devenus si chers que les Turcs les achètent désormais à l’unité, et non plus au kilo.
L’inflation record, la dégringolade de la livre turque, l’appauvrissement de la population auraient dû avantager Kemal Kiliçdaroglu, tout comme la gestion chaotique des séismes par le gouvernement. La dérive autoritaire et l’ultraconservatisme d’Erdogan auraient dû pousser des bataillons de jeunes, de femmes et des minorités dans le camp de l’opposition.
Or les résultats du premier tour contredisent le scénario d’une aspiration massive des Turcs au changement et à une vie meilleure. Mêmes étranglées par la crise, les classes populaires restent fidèles à Erdogan, y compris dans les régions dévastées par les séismes, parce qu’elles se reconnaissent dans les valeurs islamiques sunnites que brandit le président. Il se pose en rempart contre un modèle de société laïc et occidental jugé décadent, auquel il assimile son adversaire, traité d’«alcoolique», de «LGBT» ou d’«incroyant».
À défaut de prospérité, la base d’Erdogan plébiscite son discours ultranationaliste, son activisme diplomatique et militaire qui a fait de la Turquie un acteur majeur de la scène internationale, notamment dans les conflits syrien et russo-ukrainien. Pour ses électeurs, peu importe le prix du kilo d’oignons ou le sort des libertés en Turquie. Avec Erdogan, le drapeau national est respecté, la stabilité du pays assurée. Sauf accident, l’autocrate restera au pouvoir grâce aux urnes.
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Éditorial – Erdogan, favori malgré tout
Donné battu avant le premier tour de la présidentielle, le président turc devrait rester au pouvoir, en dépit de la crise économique et d’un front uni de l’opposition.