Et que vive l'évolution de la langue française en politique
Sébastien Jubin défend avec cynisme les bienfaits de l'écriture inclusive.
«Femmes, je vous aiiime…» bêlait Julien Clerc il y a près de quarante ans. En ce mois de mai, ce sont les Verts vaudois qui ont débattu de l'amour et de l'attention qu'il fallait accorder à leurs membres au féminin. Au nom de la «démasculinisation», la formation politique a parlé d'écriture inclusive, avec pour objectif de tendre vers une égalité femmes-hommes.
On n'écrirait donc plus les «Verts vaudois» mais les «Vert·e·s vaudois·es». À deux semaines de la grève générale des femmes, ce débat, qui polarise depuis plusieurs années le monde francophone, mérite d'exister. Oui, il est légitime de faire apparaître les femmes à l'égal de l'homme, tant à l'écrit qu'à l'oral. Surtout parce que notre riche langue française, la langue des reines et des rois d'antan, détient tous les droits pour évoluer.
Ce n'est pas parce qu'une bande de 40 membres de l'Académie française (loin d'être paritaire) a qualifié l'écriture inclusive de «péril mortel» en 2017 qu'il faut s'en laisser conter par ces gardiens de temple loin des réalités d'une langue dont le cœur bat si fort que les changements sont continuels et bienvenus. Il est grand temps de démonter les grands principes langagiers décidés il y a deux siècles.
«Il est légitime de faire apparaître les femmes à l'égal de l'homme, tant à l'écrit qu'à l'oral»
Quel·le étudiant·e en lettres n'a pas gardé en mémoire cette affreuse décision prise par le grammairien Nicolas Beauzée quant à l'accord d'un adjectif? Il avait le choix entre l'accord de proximité et de majorité pour trouver une solution lorsque les genres des noms sont différents. Il a tranché dans le lard, le bougre (nom masc.). Devinez au nom de quoi? «À cause de la supériorité du mâle sur la femelle.» En 1767, malgré qu'on ne se gênait pas d'en infliger à tous les élèves à la peine avec leur orthographe, il y a quand même quelques bonnes fessées qui se perdaient chez les grands donneurs de leçons.
Oui, la langue doit encore évoluer. Je ne vous parle pas ici de supprimer les accents circonflexes ou de simplifier l'accord des participes passés. Je parle d'un débat de société. Peut-être trouvez-vous que les mots «écrivaine» ou «auteure» sont inappropriés ou moches. N'empêche qu'ils font petit à petit leur chemin. Mais il reste du boulot. En 1999, soit il y a vingt ans, un postulat de Liliane Maury Pasquier demandait que la Confédération applique pour la langue française les recommandations fédérales sur la formulation non sexiste des textes législatifs et administratifs. Refusé!
En 2019, si nos dictionnaires ont admis des nouveaux mots comme «bore-out», «slasheur» ou «adulescence», il est louable que des discussions politiques aient lieu sur l'écriture inclusive, y compris dans mon quotidien de journaliste où les règles sont les règles (nom fém.). Donc vive les «Vert·e·s vaudois·es»! Même si, de toute façon, à la fin, c'est la grammaire qui gagnera. Et si en 2156 l'Assemblée parlementaire fédérale est composée de 245 femmes et d'un seul homme, je suis prêt à parier que l'on continuera d'écrire… «Ils ont voté!»
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