Et si les députés étaient tirés au sort?
Un colloque se penche sur l'emploi de cette méthode en politique. En Suisse, des citoyens veulent la réutiliser.

Le tirage au sort ne sert pas uniquement à désigner les gagnants d'une loterie. Un collectif de citoyens, Génération Nomination, veut y recourir pour sélectionner les représentants du peuple à Berne. A terme, il compte lancer une initiative en ce sens. La technique est loin d'être nouvelle puisqu'elle était déjà employée dans la Grèce antique. Un colloque international, vendredi et samedi à l'Université de Lausanne, se penche justement sur de telles expériences, en Suisse et en Europe.
Le tirage au sort a été utilisé dans des contextes variés. Et il n'a pas toujours été synonyme de démocratie. Antoine Chollet, maître assistant à l'Université de Lausanne, donne un exemple. Au XVIIIe siècle, Berne l'employait pour nommer les baillis et d'autres magistrats; mais seuls les membres de familles patriciennes participaient à ce concours. Le but était donc surtout de partager le pouvoir entre puissants.
La Suisse a connu des expériences plus démocratiques. Des études financées par le Fonds national suisse de la recherche scientifique se sont penchées sur des cas à Schwytz et à Glaris. «Là, le peuple revendiquait un tirage au sort pour réduire la corruption des élites et élargir le cercle des familles au pouvoir», explique le chercheur. A Glaris à la fin du XVIIIe siècle, les élus étaient par exemple tirés au sort parmi l'ensemble du corps civique. Avec un succès mitigé: «Nos recherches montrent que cela s'est transformé en une forme de loterie. Celui qui était sélectionné pouvait revendre le poste obtenu: c'était le gros lot!»
L'idée est réapparue il y a une trentaine d'années. Des scientifiques ont rédigé des ouvrages sur le sujet et leurs recherches se sont étendues dans le débat public. Des expériences ont été menées à l'étranger. En Irlande, une assemblée consultative de citoyens tirés au sort a notamment planché sur le dossier délicat de l'avortement.
En Suisse, Génération Nomination propose d'utiliser la technique pour désigner les conseillers nationaux, leurs homologues des Etats restant élus «normalement». Précisons qu'on pourrait décliner l'offre. Ce collectif, créé en 2015, a lancé en juin un appel aux «promesses de signatures» - une initiative devrait suivre à terme.
«Dans notre société à deux vitesses, il y a toujours plus de laissés pour compte, plaide son coordinateur Charly Pache. Cela s'accompagne d'un mécontentement face à notre démocratie.» Cet ancien membre du Parti pirate revendique un meilleur partage du pouvoir et l'arrivée de nouvelles sensibilités au Parlement. «Le but est d'atténuer le décalage entre élus et citoyens et de réduire le pouvoir des lobbies.» Tout cela n'est-il pas populiste? «Le populisme naît au contraire de la volonté d'être élu par les citoyens.»
Pour l'instant, Génération Nomination cherche des fonds et fait connaître sa position dans des conférences et autres débats. Il préconise aussi une solution intermédiaire, avec des conventions de citoyens. Tirées au sort, ces personnes se rassembleraient pour étudier une question d'intérêt général controversée. Elles rédigeraient ensuite un rapport avec des recommandations adressées aux autorités.
Tout cela a-t-il un avenir? «Dans certaines circonstances, le tirage au sort peut être un bon moyen, estime Antoine Chollet. Mais il doit s'accompagner d'autres éléments démocratiques, comme la rotation du pouvoir.» Il imagine plutôt ce mécanisme dans un contexte local, ou pour nommer des responsables d'associations et de partis. Le tirage au sort se ferait alors parmi une liste préétablie de candidats. Et pour le Conseil national? «Une chambre formée de personnes inexpérimentées risquerait d'être faible face au Conseil des Etats ou à l'Administration fédérale. Mais on aurait peut-être des surprises.»
Note: Informations sur le colloque: www.unil.ch/cwp/fr/home.html
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