Et si on tirait au sort nos prochains parlementaires
Judith Mayencourt détaille les buts de l'initiative populaire «Pour un Conseil national représentatif».
La récolte de signatures a débuté hier. Et peut-être allez-vous griffonner votre paraphe au bas du formulaire officiel ces prochains mois. Car l'initiative populaire «Pour un Conseil national représentatif» bénéficiera certainement d'un bon capital de sympathie. Il s'agirait, proposent les initiants, de tirer au sort 50 des 200 membres de la Chambre du peuple. Glisser une pincée de hasard, donc, dans les rouages subtils de la démocratie helvétique…
Une initiative juste pour le fun? Un peu, bien sûr, mais pas seulement. Pour les initiants de l'ONG «Génération nomination», c'est une manière de briser quelques clichés qui ont la vie dure. Car le portrait type de l'élu suisse ne varie guère d'élection en élection: c'est un homme, d'une cinquantaine d'années, diplômé et gradé à l'armée. Des catégories entières de la population ne s'y retrouvent pas.
A défaut d'imposer des quotas, le tirage au sort serait en quelque sorte un instrument nouveau pour faire exploser le plafond de verre qui pénalise tous les mal-aimés de la démocratie. Les femmes, bien sûr, mais aussi les trop jeunes, les trop vieux, les trop laids, les trop basanés, les pauvres, les handicapés, les bègues et tous ceux qui n'ont pas fréquenté les bancs de l'université.
Avec cinquante élus de la vraie société civile – et non pas de ce corpus présélectionné par les partis pour coller aux attentes supposées des électeurs et aux besoins, eux aussi supposés, de la fonction – le Conseil national ne serait pas défiguré. Juste un peu plus bigarré. Et qui nous dit qu'un maçon, une employée de bureau, une esthéticienne ou un chauffeur de bus ne pourrait pas mettre son expérience professionnelle au service de la collectivité de manière tout aussi valable qu'une avocate, une économiste, un paysan, ou un patron?
Les initiants ont d'ailleurs dans leur besace quelques arguments qui ont de quoi nous faire réfléchir. Ainsi l'Irlande, où 99 citoyens tirés au sort ont travaillé sur la nouvelle constitution. Moins accroché aux dogmes des partis, ce groupe a réussi à faire bouger les lignes dans des dossiers aussi délicats que l'avortement ou le mariage pour tous. La Grèce antique, berceau de la démocratie, a eu également recours au tirage au sort pour désigner ses représentants. Et cela pour un objectif des plus nobles: éviter que les élus, forts de la confiance d'une majorité, ne se sentent investis d'un pouvoir trop large, au détriment du peuple.
Le débat lancé par l'initiative est moins futile qu'il n'y paraît. Hélas, il tombe dans un terreau tristement fertile, celui du populisme. Aujourd'hui, les élus sont injustement assimilés à des égoïstes malhonnêtes qui défendent leurs intérêts personnels et les privilèges de leur corporation. Un tirage au sort pour remplacer l'engagement envers la collectivité? La ficelle est un peu trop grosse. Je ne signerai pas cette initiative.
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