Lettre ouverte à Nuria Gorrite.
Madame la conseillère d’État, ce jeudi matin, la Confédération annonce que l’artiste vaudois Etienne Delessert reçoit le Grand Prix suisse du design. Mardi dernier, votre département a informé l’artiste vaudois Etienne Delessert que l’État de Vaud refuse une part essentielle de son œuvre, dont il souhaitait faire don à son canton d’origine. Avant même la remise du Prix, reconnaissance de son talent par la Confédération, Delessert aura dû se résoudre à offrir l’ensemble de son œuvre à l’institution étasunienne qui lui assure la préservation cohérente, compétente et complète que sa patrie ne peut ou ne veut assumer.
Mais il est encore temps de faire en sorte que les Vaudois, les Suisses, les Européens puissent y avoir accès dans notre canton au lieu de devoir se rendre à Stockbridge, Massachusetts.
«Il est encore temps de faire en sorte que les Vaudois, les Suisses, les Européens puissent avoir accès à ces œuvres.»
Instigateur de la Fondation Les Maîtres de l’imaginaire, Etienne Delessert est mondialement connu. Il a eu entre autres des rétrospectives au Louvre, à la Library of Congress de Washington et au Tsinghua University Art Museum de Beijing. Il a proposé au Musée Jenisch de lui léguer l’essentiel de ses œuvres actuellement en sa possession. Il souhaite évidemment que ce fonds soit documenté et conservé, mis en valeur par des expositions circulantes et par une monographie. Pour cette dernière, il a déjà obtenu la participation de Gallimard en France et de Creative Editions aux États-Unis.
Par manque de ressources humaines et de place, le Musée Jenisch a dû renoncer à accueillir l’ensemble. Le Service de la culture de votre département s’est proposé pour coordonner l’accueil du don entre le Jenisch, le Musée des beaux-arts et la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL).
Mille œuvres refusées
Un accord semblait acquis, mais, patatras! Un courriel désarçonnant est parti le 6 mars: «La BCUL est intéressée à recevoir vos livres et les illustrations jeunesse […]. Le Musée cantonal des beaux-arts et le Musée Jenisch ne pourront pas donner suite à votre offre de don, malgré leur intérêt.» En clair, ils refusent 600 dessins de presse et dessins politiques, 200 aquarelles et peintures à l’acrylique et 200 affiches, «à cause de l’engagement patrimonial à long terme que cela représente en termes de place, de conservation et de mise en valeur».
Pour le volet Jeunesse, il est cocassement précisé: «Ce don aurait tout son sens à la BCUL, qui détient la plus grande collection de livres Jeunesse en Europe, grâce notamment à la collection Despinette.» Or, si la collection Despinette se trouve déposée à la BCUL, c’est grâce à… Etienne Delessert! La mémoire est courte.
Elle risque un douloureux réveil lorsqu’on s’étonnera de devoir aller au Musée Norman Rockwell de Stockbrige pour contempler les œuvres du Vaudois Delessert. Car le Rockwell offre spontanément à l’artiste les conditions exactes dont il rêvait dans sa patrie. À moins que… En vous remerciant, Madame la conseillère d’État, de votre attention, je vous présente mes salutations cordiales et encore pleines d’espoir.
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L’invité – Etienne Delessert sera-t-il prophète en son pays?
Honoré par la Confédération, Etienne Delessert est boudé par son canton d’origine au risque de voir une part essentielle de son œuvre partir en Amérique. Jacques Poget s’en inquiète.