Vous l’avez sans doute remarqué à travers vos médias (et réseaux sociaux) favoris. Depuis mardi, le tapis rouge est déroulé à Cannes avec son lot de stars, de controverses et de manifestations politiques. La nouvelle loi sur la retraite ne manquera pas de provoquer quelques échauffourées, sous les objectifs des caméras du monde entier.
Mais le vrai événement du festival, ce n’est pas le débarquement de Johnny Depp en Louis XV, roi de France, dans le film de Maïwenn qui y incarne Jeanne Du Barry, ni la montée des marches de Harrison Ford qui revêt son costume d’Indiana Jones pour la cinquième fois, ni celle de Sean Penn, venu défendre en compétition le sombre «Black Flies» de Jean-Stéphane Sauvaire, ni même la présence de Martin Scorsese avec son nouveau film-fleuve produit par la plateforme Apple TV, «Killers of the Flower Moon».
«Même absent, Godard réussissait à marquer de sa présence un festival pourtant blasé par des milliers de stars.»
Ce n’est pas la présence de la fine fleur du cinéma mondial, de Marco Bellocchio à Jessica Hausner, de Wang Bing à Nuri Bilge Ceylan, de Nanni Moretti à Wes Anderson, d’Aki Kaurismäki à Alice Rohrwacher. Ce n’est pas le retour au long métrage d’un des plus grands cinéastes espagnols, Victor Erice, 31 ans après «Le Songe de la lumière», avec une œuvre au titre prémonitoire: «Cerrar los Ojos» («Fermer les yeux»).
Non, le vrai événement du festival, cette année, se cache dans un court métrage d’à peine vingt minutes dont le titre est à lui seul tout un programme, «Film annonce du film qui n’existera jamais : «Drôles de Guerres» et qui est signé par un véritable revenant: Jean-Luc Godard. Décédé le 13 septembre dernier, Jean-Luc Godard était un habitué de Cannes depuis les années 60. Et même absent, il réussissait à marquer de sa présence un festival pourtant blasé par des milliers de stars.
On se souvient de l’étonnante conférence de presse à laquelle il avait participé via FaceTime, les journalistes venant se prosterner devant l’écran d’un téléphone pour lui poser quelques questions. Et on se souvient bien sûr en 2018 de la Palme d’or spéciale qui lui a été décernée par le jury officiel pour son dernier long métrage, «Le livre d’image», un prix qui a été récupéré sur scène par Fabrice Aragno, proche collaborateur de Godard depuis 2002 et producteur du film, et Mitra Farahani, sa coproductrice.
Et voici aujourd’hui qu’il revient, posthume, avec ce film court qui est lui-même le fantôme d’un film qui n’existera donc pas. Le communiqué officiel indique qu’il s’agit d’une production Saint Laurent by Anthony Vaccarello et Vixens, en coproduction avec L’Atelier, soit la deuxième présence de la société de production de Saint-Laurent, après sa participation à la création de «Strange Way of Life», court métrage de Pedro Almodóvar, un western gay avec Ethan Hawke et Pedro Pascal qui est aussi projeté à Cannes (mais avec un Almodóvar bien vivant, cette fois).
Ultime geste
Le communiqué décrit ce court métrage ainsi: «Jean-Luc Godard transformait souvent ses synopsis en programmes esthétiques. «Drôles de guerres» procède de cette tradition, et restera comme l’ultime geste de cinéma, qu’il accompagne du texte suivant: Ne plus faire confiance aux milliards de diktats de l’alphabet pour redonner leur liberté aux incessantes métamorphoses et métaphores d’un vrai langage en re-tournant sur les lieux de tournages passés, tout en tenant compte des temps actuels.»
Le film sera présenté dimanche après-midi sur la scène de la salle cannoise préférée de Godard, la salle Debussy, par Fabrice Aragno. Nul doute que son incroyable vision du monde et du cinéma n’aura pas fini de nous étonner. Et restera encore longtemps l’une des plus modernes qui soit.
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L’invité – Feu Godard de retour à Cannes
Décédé en septembre dernier, le cinéaste crée malgré tout l’événement au festival.